Le Qatar menacerait de refuser au Maroc son aide financière s’il n’use pas de son influence et de son pouvoir, en tant que second actionnaire de Maroc Telecom, pour que les parts que Videndi s’apprête à céder, soient vendues à sa société nationale de télécommunication, Qtel, croit savoir la chaîne Al Arabya, d’après les déclarations anonymes d’un haut responsable marocain. La première tranche de l’aide financière promise par les pays du golfe, au Maroc, lors du voyage du roi, dans la région en octobre 2012, est arrivée et d’autres devraient suivre. Sauf qu’à la somme de 2,5 milliards de dollars en passe d’être transférée au royaume, manque celle promise par le Qatar. Le pays ferait du chantage au Maroc.
Entre investissements, aide financière et pression diplomatique, l’intérêt du Qatar pour le Maroc peut sembler effrayant. Dans ce contexte, le discours de Claire Spenser, directrice des études MENA au think tank Chatham House, pendant le Forum de Paris à Casablanca, aujourd’hui, mercredi 6 février, se veut rassurant. «Les pays du Golfe en général et le Qatar en particulier cherchent avant tout à placer leur argent là où ce sera rentable. Ils n’ont donc aucun intérêt à déstabiliser le pays où ils l’ont placé», explique-t-elle.
2011 : +51% d'investissements du golfe
Dans le cas de Maroc Telecom, la concurrence supplémentaire du sud coréen KT au rachat des parts de Vivendi, révélé, hier, par les Echos, n’a pas dû plaire du tout aux Quataris car ils ambitionnent de s’implanter dans le secteur, au Maroc, depuis 2009. Cette année là, le consortium qatari s’était déjà penché sur le rachat d’une partie du capital de Méditel, alors mis en vente par l’espagnol Telefonica et le portugais PT. Malgré de fausses rumeurs de rachat, Qtel avait finalement abandonné l’affaire, reportant sine die son désir de s’implanter en Afrique du nord.
En 2011, les investissements (IDE) au Maroc, en provenance des pays du Golfe ont augmenté de 51%, quand ceux de la France, pourtant premier investisseur au Maroc, baissaient de 58,5%, indique le rapport économique et financier du ministère marocain des Finances, pour le projet de loi de Finances de l’année budgétaire 2013. «Les pays du Golfe ont beaucoup de richesses pour très peu d’habitants. Le Qatar dégage un PIB par tête de 75 000 dollars par an. Sur un territoire aussi petit que le sien, la part d’investissements est limitée. Il se tourne donc vers l’étranger pour trouver de nouveaux débouchés», explique Claire Spencer. Au total la région du Golfe a investi 7 milliards de dirhams en 2011, au Maroc.
Besoin d'amis diplomatiques
La recherche du profit n’est pas la seule raison capable d’expliquer pourquoi le Qatar place ses fonds à l’étranger. «Le pays, comme les autres Etats du golfe, a besoin de diversifier les sources de revenus car elles se limitent aujourd’hui aux exportations de gaz. Le Qatar a conscience que cette manne a une durée de vie limitée et anticipe sur l’épuisement de la ressources», détaille Claire Spencer.
Ce qui vaut pour l’économie de ce tout petit pays du golfe, vaut aussi pour sa position géopolitique. «Le Qatar est coincé entre deux géants que sont l’Arabie Saoudite et l’Iran. Il cherche donc à créer des points de repères internationaux en créant des postes d’intérêts communs. Il veut s’assurer des amis diplomatiques en cas de problème», estime la chercheuse. Des amis que le Qatar influence en parallèle sur le plan religieux, également, «en finançant les mouvement salafistes dans la région MENA afin d’étendre sa doctrine religieuse», le wahhabisme, note Claire Spencer.
Maroc trop faible
Autant de raisons qui expliquent l’intérêt du Qatar pour le Maroc et sa volonté d’y étendre son influence. Par rapport à l’Europe, qui a aussi beaucoup été l’objet des ardeurs des pays du Golfe, le Maroc et la région MENA ont la particularité d’être des pays en voie de développement. Economiquement et socialement plus fragile que l’Union européenne, le Maroc est d’autant plus sensible à cette influence. Le chantage aux aides financières exercé par le Qatar pour racheter Maroc Telecom en est un bon exemple. Difficile pour de refuser quelque chose quand on a besoin d’investissement et même d’aides financières directes.