«Le régime devrait avoir compris le message du printemps arabe et prendre des décisions courageuses pour changer les choses à tous les niveaux, politique, social, économique», estime Fathallah Arsalane, sous secrétaire général du mouvement Al Adl Wal Ihassane, dans une interview accordée à l’agence de presse américaine AP. «Au lieu de cela, il s’est passé le contraire», laisse-t-il tomber. La nouvelle constitution, les élections législatives anticipées, l’élection du PJD, pour la première fois de l’histoire du Maroc indépendant, ne sont pas, pour ce mouvement islamiste toléré mais interdit d’élections, les bonnes réactions.
«Les choses ont régressé par rapport à ce qu’elles étaient avant le printemps arabe et aujourd'hui, il y a un risque de révolte populaire grave en dehors de toute structure politique […] Nous ne pouvons pas prévoir quand la situation sociale va exploser mais ce qui est certain, c'est que tous les ingrédients sont déjà rassemblés», estime Fathallah Arsalane.
Pour ou contre ce «risque» de révolte ?
Alarmiste, il estime que le Maroc est au bord de l’implosion. Sa référence au printemps arabe n’est pas gratuite : Al Adl Wal Ihassane a très tôt rejoint le mouvement du 20 février pour le phagocyter, diront ses détracteurs, pour lui faire gagner les quartiers populaires et quitter ses oripeaux élitistes, diront ses militants.
Si le mouvement craint aujourd’hui la révolte populaire, il s’est, au contraire, longtemps positionné en son cœur. Durant l’année 2011, les marches du 20 février se sont peu à peu éloignées du centre ville pour se concentrer dans les quartiers populaires sous l’impulsion de Al Adl Wal Ihassane, à Casablanca. «Il y avait clairement la volonté, de leur part, de faire de grands accrochages avec la police, c’était l’occasion pour eux de recruter», estime Rachid Hababa, membre de la coordination casablancaise du Mouvement du 20 février et membre du PSU (Parti Socialiste Unifié).
Le mouvement souhaite devenir un parti politique
Al Adl Wal Ihassane met à présent de l’eau dans son vin. Fervent opposant au régime monarchique par le passé, «Fathallah Arsalane a expliqué que ce n'était pas tellement l'idée de la monarchie qu'ils étaient contre, mais le fait que l'institution était au-dessus de la loi», rapporte AP. «La forme du régime n'est pas important, ce qui nous intéresse, c'est le contenu», souligne Fathallah Arsalane.
Dans une interview au quotidien Akhbar El Youm, le 7 janvier, Fatallah Arsalane avait tout de même lancé une attaque en règle, bien qu’à mots couverts, contre le roi, en expliquant qu’ «au Maroc, il y a d’un côté la constitution et de l’autre côté quelque chose de plus important que la loi fondamentale. Et justement c'est elle qui contrôle les autorisations accordées aux partis.» Car Al Adl Wal Ihssane, s’il n’est toujours pas «autorisé» par les autorités marocaines, est «disposé à créer un parti politique», assure Fatallah Arsalane et à s’intégrer au jeu politique.
Dernière opposition
«Le régime ne nous combat pas parce que nous sommes des islamistes mais parce que nous sommes une véritable force d’opposition, estime Arsalane, interviewé par AP. Le régime rejette l'idée même d'avoir une véritable opposition.» La dernière opposition crédible pour les Marocains après avoir grillé le fusible PJD à l’exercice du pouvoir ? Al Adl Wal Ihssane rassemble des milliers de sympathisants à travers le pays. L’enterrement de Cheikh Yassine, son précédent leader, en décembre, avait vu des centaines de personnes converger vers le cimetière Achohada de Rabat. Une réalité sans équivoque.