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Grand Angle

Islam de France : L’UOIF retourne au CFCM, la fin de la zizanie ?

L'Union des organisations islamiques de France prend tout le monde de court : elle vient d'annoncer qu'elle réintégrait le CFCM, alors que depuis 2 ans, comme la grande mosquée de Paris, elle avait choisi de la boycotter. Qu'est ce qui a changé depuis ? Faut-il croire que la Grande mosquée de Paris lui emboîtera bientôt le pas? 

Publié
Ahmed Jaballah, président de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) /DR
Temps de lecture: 3'

Contre toute attente, alors que le Conseil Français du Culte musulman et l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF) sont à couteaux tirés depuis plus de deux ans, la seconde annonce sa réintégration dans la première. Dans un communiqué publié, dimanche 20 janvier sur son site, l’UOIF explique qu’elle choisit de réintégrer le CFCM «sur la base de nouveaux statuts, d’une nouvelle démarche et d’un nouvel esprit».

L’Union a décidé de quitter le Conseil en 2011 Plutôt que de préparer la fondation d’une nouvelle institution elle veut participer à «apporter […] les modifications nécessaires pour faire évoluer au mieux la structure et son mode de fonctionnement, dans une volonté de dépasser les problèmes évoqués et mieux s’atteler aux vrais enjeux et défis auxquels font face l’islam et les musulmans de France.»

Politique de la chaise vide

Le 18 mars 2011, lorsque l’UOIF annonce sa décision de ne pas participer aux élections des Conseil Régionaux du Culte Musulmans (CRCM) et du CFMC, les mêmes difficultés de structure et de fonctionnement du CFCM incitent au contraire l’UOIF à quitter le bureau exécutif du CFCM et à boycotter les élections. En cause, alors, l’incapacité du CFCM à traiter les dossiers de fonds liés à l’exercice du culte, selon l’UOIF, et une organisation défaillante qui nourrit les dissensions internes et les jeux de pouvoirs plutôt qu’elle ne défend les intérêts des musulmans.

Aujourd’hui, les problèmes du CFCM et les reproches qui lui sont adressés par l’UOIF restent les mêmes, alors pourquoi un tel revirement ? Pourquoi choisir de revenir dans le CFCM alors que l’UOIF a été rejointe, dans sa politique de retrait, par la grande mosquée de Paris ? Qu’est ce qui a changé en deux ans ?

Promesse de réforme

D’abord le CFCM, a engagé une réforme qui était en débat depuis des années. «Mohammed Moussaoui, le président du CFCM, a reconnu le besoin d’une réforme. Peut être a-t-il donné des gages à l’UOIF pour la convaincre de revenir, car c’est lui le grand gagnant dans cette affaire. Il est celui qui a tenu la barque malgré la tempête et il commence à voir les gens revenir vers lui», explique Franck Frégosi, chercheur au CNRS, enseignant à l’IEP d’Aix en Provence, et auteur de «L’islam dans la laïcité», en 2011. Le 16 février 2012, déjà, le Rassemblement des musulmans de France et la Grande mosquée de Paris sont parvenus à d'entendre sur un protocole d’accord en vue de la réforme des statuts du CFCM.

Ensuite, en deux ans, l’UOIF a pu mesurer l’impact de sa politique de la chaise vide. Selon le chercheur, les grandes mosquées en province, comme la grande mosquée de Lyon ont «commencé à se dire que l’on pouvait se passer du CFCM. L’UOIF a pu craindre une montée en puissance des mosquées régionales qui la relèguerait dans un rôle secondaire», explique Franck Fregosi.

Jeu de pouvoir

«L’UOIF a probablement réalisé qu’elle avait tout à perdre en continuant ainsi, d’autant plus qu’elle a été la seule à tenir une attitude totalement cohérente. La grande mosquée de Paris, qui a également boycotté les élections conserve, elle, deux membres au bureau exécutif du CFCM», souligne Franck Fregosi. Pendant deux ans, toute dépourvue qu’elle soit de ces deux organisations majeures, le CFCM n’en est pas moins resté debout, notamment médiatiquement.

«Tout le monde critique le CFCM, mais tous ont du mal à s’en passer de cette fenêtre d’accès aux pouvoir publics», reconnait le chercheur. Même s’il a perdu une grande partie de sa légitimité, le CFCM reste l’interlocuteur unique du gouvernement. «L’UOIF a d’autant plus besoin de cette reconnaissance officielle portée par le CFCM que son image reste encore attaché au fondamentalisme religieux. Elle veut revenir en odeur de sainteté», estime Franck Fregosi.

Retour de la Grande mosquée de Paris ?

Une envie qui rejoint la vive volonté du gouvernement de voir le CFCM remis sur pied. Le gouvernement a besoin d’un interlocuteur légitime et unique, dans un contexte politique «Il est possible que le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, ait exprimé son désir de voir l’UOIF rejoindre les rangs du CFCM, mais sans aller aussi loin que par le passé car il a abandonné l’interventionnisme forcené de l’époque Sarkozy», insiste-t-il.

Dans ce cas faut-il imaginer que la grande mosquée de Paris, à son retour, annonce officiellement son grand retour au sein de l’ennemi juré ? «Avec le grande mosquée de Paris, on peut s’attendre à tout, ironise Franck Fregosi. Si l’UOIF revient au CFCM, il est clair que la grande mosquée de Paris aura du mal à rester totalement dehors», admet-il.

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