L'agriculture au sein du Royaume représente «jusqu'à 15% du PIB», constituant ainsi la principale source d'emplois dans les zones rurales. Cependant, sa contribution à l'économie nationale est menacée par la rareté croissante des ressources en eau, avec près de «85% des ressources renouvelables du pays» déjà utilisées par l'agriculture intensive, destinée principalement à l'exportation. La rareté hydrique est elle-même aggravée par les effets du dérèglement climatique, entraînant des sécheresses plus fréquentes et étendues, ce qui compromet la sécurité alimentaire et amplifie les effets économiques, sociaux et environnementaux néfastes sur la population.
Par ailleurs, le manque d'attention «accordée à la maîtrise de la demande en eau» dans le secteur agricole a conduit à une surexploitation des nappes phréatiques, accentuée par les subventions généreuses du Plan Maroc Vert, qui ont favorisé «l'irrigation privée».
Le Maroc doit également relever le défi des changements géopolitiques mondiaux, marqués par des incertitudes croissantes sur les échanges et les prix des produits alimentaires, exacerbées par des crises sanitaires et des tensions internationales telles que le Covid-19 ou le conflit en Ukraine. Cette situation rend le pays particulièrement vulnérable en raison de sa forte dépendance à l'égard des importations alimentaires.
En dépit des efforts significatifs déployés, les investissements publics dans le secteur agricole demeurent insuffisants, ne dépassant guère «4% du budget général de l'État», en deçà de l'objectif de 10% recommandé par la Déclaration de Malabo. Malgré la mise en place du «Plan Maroc Vert» entre 2008 et 2019, qui a contribué à réduire le «déficit de la balance commerciale agroalimentaire», le faible «taux de couverture des importations par les exportations», lui, reste une préoccupation, notamment face à des enjeux futurs comme l'accroissement démographique et la volatilité des marchés internationaux.
Ainsi, pour assurer un avenir durable à l'agriculture marocaine, les experts alertent sur l’urgence d’appliquer des mesures concrètes comme une révision des politiques agricoles et de l'utilisation de l'eau, ainsi qu'un renforcement de l'investissement public dans le domaine agricole.
«Optimisation de la gouvernance dans le secteur agricole»
Les scientifiques ont souligné la nécessité d'une refonte de la gouvernance agricole, en instaurant par exemple des débats nationaux et régionaux pour orienter l'avenir du secteur. Ils proposent d'adopter une «approche intégrée et systémique», avec une coordination opérationnelle à différentes échelles pour favoriser le développement agricole, en tenant compte de la rareté de l'eau.
«Renforcer l'application des lois» existantes et en adopter de nouvelles est également recommandé, particulièrement pour reconnaître le statut de l'agriculteur et établir une fiscalité environnementale. De plus, la gestion de l'eau doit être améliorée en intégrant l'approche Nexus «Eau-Energie-Agriculture-Ecosystèmes naturels», nécessitant une approche intégrée pour minimiser les tensions et renforcer les synergies entre ces quatre secteurs.
Enfin, la promotion de la sobriété hydrique, l'accumulation de connaissances scientifiques et l'implication des agriculteurs dans le processus de développement sont des axes majeurs pour optimiser la gouvernance.
«Garantie de la souveraineté alimentaire»
Concernant la politique alimentaire, celle-ci doit être repensée pour garantir la souveraineté alimentaire du pays et préserver ses ressources naturelles. Cela implique de donner plus de moyens à la petite agriculture familiale, considérée comme «le socle de la lutte contre l'insécurité alimentaire».
Les experts recommandent une réorientation du modèle agricole pour prioriser la satisfaction des besoins alimentaires locaux et encourager le développement de filières agricoles à «forte valeur ajoutée économique et nutritionnelle». Ils préconisent de rééquilibrer la production agricole entre le marché intérieur et l'exportation en choisissant des produits adaptés à la consommation nationale. Il faudrait également garantir la «sécurité semencière nationale» pour réduire la dépendance vis-à-vis des variétés étrangères, ce qui nécessite des investissements dans la recherche et la préservation des semences locales.
La revalorisation des «parcours et de l'élevage» contribuera à son tour à renforcer la souveraineté alimentaire, en appliquant par exemple des programmes collectifs pour encadrer la santé des animaux. Ces initiatives comprennent la prévention et le traitement des maladies, ainsi que la fourniture de soins vétérinaires aux petits éleveurs précaires.
Renforcement de la durabilité et de la résilience du secteur agricole
Face au dérèglement climatique, le Maroc va devoir procéder à une «transition urgente» vers des systèmes agricoles résilients, affirment les experts. Ils conseillent l'application de programmes d'adaptation au changement climatique dans lesquels se trouveront des actions «d'aménagement hydro-agricole, de conservation des ressources naturelles» ainsi que la promotion de «l'agriculture climato-intelligente».
Une «gestion proactive des risques», une meilleure «intégration économique du secteur agricole» et un «modèle de financement durable» sont également proposés. Pour finir, l'impulsion de la recherche scientifique et de l'innovation technologique aidera à renforcer la durabilité et la résilience du secteur agricole marocain. En moyenne, «les pays développés consacrent environ 3% du PIB agricole» à la recherche agronomique avancée, rappellent les spécialistes.