En avril 2022, le ministre marocain de la Justice avait ouvert un front contre les associations de défense des biens publics. Il voulait les priver de la capacité de présenter des plaintes contre des élus. Vingt-mois après ses déclarations au Parlement, Abdellatif Ouahbi change son fusil d’épaule.
Saisissant le réexamen du projet du règlement intérieur de la Chambre des représentants, suite au rejet de ses articles par la Cour constitutionnelle, le ministre a proposé des amendements visant les parlementaires qui font l’objet de poursuites judiciaires. Le texte de Ouahbi souhaite les écarter des responsabilités au sein de l’institution législative, comme président du groupe de députés, président d’une commission parlementaire ou même prendre la parole lors des sessions hebdomadaires des questions orales.
Des propositions que des partis ne partagent pas. Faute de compromis, la réunion de la commission de la Justice, Législation et des Droits de l’Homme, prévue le lundi 8 janvier, pour l’adoption du règlement intérieur de la Chambre basse, a été repoussée au 15 janvier. Les opposants estiment que les sanctions suggérées par le ministre de la Justice contreviennent au principe de présomption d’innocence.
Pour rappel, le 19 avril 2022 à la Chambre des conseillers, le ministre de la Justice avait dressé un réquisitoire contre les associations qui estent en justice des élus pour dilapidation de deniers publics. «Celui qui est responsable du contrôle de l’argent accordé par le ministère de l’Intérieur est bel et bien le ministre de l’Intérieur et non ces associations. Personne n’est habilité à présenter ce genre de plaintes que s’il est la source de l’argent donné» aux collectivités territoriales, avait-il martelé. Le ministre avait alors mis en garde contre des «opérations de chantage» qui nuisent «à la légitimité des présidents des communes».
Abdellatif Ouahbi avait défendu, en juillet dernier à la Chambre des représentants, la décision du gouvernement Akhannouch de retrait du projet de loi portant sur la pénalisation de l’enrichissement illicite, arguant que l'entrée en vigueur du texte est «contraire au principe de la présomption d'innocence inscrit dans la constitution marocaine».