Sur la question du Sahara occidental, les langues se délient doucement en Algérie. En témoigne les articles signés par Abderrazak Makri, ex-chef du parti islamiste Mouvement de la société pour la paix (MSP), une formation créée au début des années 1990 par le pouvoir pour contrer l’influence et la popularité du FIS (Front islamique du salut).
A rebours des analyses officieuses saluant la «convergence» des vues américaine et algérienne sur l’impératif d’accorder le «droit d'autodétermination au peuple sahraoui», Makri affirme que le soutien de l’administration Biden au plan marocain d’autonomie n’a pas changé. Preuve en est, selon l’auteur, l’interview accordée par Joshua Harris à un média algérien.
Et d’enchainer en citant ce passage du diplomate américain pour appuyer sa version : «Les Etats-Unis considèrent la proposition d’autonomie du Maroc comme sérieuse, crédible et réaliste, et comme une approche potentielle pour satisfaire les aspirations du peuple du Sahara occidental.»
Dans son analyse, Makri a regretté «l'absence de débat national sur des questions aussi importantes que celle-ci (Sahara occidental, ndlr). Les Algériens écoutent les mêmes propos répétés par la presse et les intervenants médiatiques».
Amar Saïdani avait aussi appelé à un «réexamen» de la position officielle
Après avoir souligné le soutien des Etats-Unis à l’initiative marocaine d’autonomie, l’ancien secrétaire général du MSP s’est interrogé sur l'immobilisme du pouvoir algérien sur ce dossier. «Y a-t-il quelque chose de nouveau dans l’approche algérienne sur la question du Sahara occidental ? Les autorités algériennes se soumettront-elles aux pressions ou aux tentations américaines ? Existe-t-il une solution proposée à l’Algérie garantissant que l’approche marocaine se poursuivra avec certains privilèges pour l’Algérie ?»
Abderrazak Makri s’est dit convaincu que «la question du Sahara doit être ouverte au débat sociétal afin que les solutions soient algéro-maghrébines, sans se soumettre aux pressions ou tentations étrangères, sans calculs autoritaires ni intérêts personnels ou factionnels».
Au-delà des calculs politiques ayant motivé Makri à critiquer ouvertement l’approche officielle sur le dossier du Sahara, la position exprimée par l’ex-leader islamiste constitue une «entorse à l’unanimité» imposée par le pouvoir algérien depuis presque cinq décennies sur ce sujet, d'autant qu'elle est signée par un homme politique proche du pouvoir. Une proximité qui lui avait d’ailleurs permis de diriger le MSP de 2017 à mars 2023.
La position de Makri n’est pas sans rappeler les propos défendus, en novembre 2015, par Amar Saïdani, alors secrétaire général du Front de Libération Nationale (FLN) et proche du président Abdelaziz Bouteflika. Saïdani avait appelé, dans des déclarations à la presse, à un «réexamen» de la politique algérienne sur la question du Sahara mais sans s’étaler sur le sujet. Il avait ajouté ne pas souhaiter «causer de problèmes, mais un jour viendra où je dirai ce que je pense du Sahara occidental (…) mais pas maintenant. Mon avis ne plaira pas à tout le monde et je ne souhaite pas causer de problèmes. Si je parle, je risque de provoquer des manifestations dans les rues algériennes».
A la différence de Makri, Saïdani avait osé exprimer son opinion en plein exercice de ses fonctions à la tête du FLN, le parti au pouvoir.