Cinq jours après la publication du rapport de Transparency International sur l’état de la corruption dans le monde, la pilule a toujours du mal à passer pour Transparency Maroc. Pour rappel, ce rapport est une véritable gifle pour le Maroc puisque l’ONG attribue au royaume une note de 37 sur 100, contre 34 sur 100 en 2011 et le place au 88ème rang sur 176 pays alors qu'il était classé 80ème en 2011 sur 183 pays. Dans une lettre ouverte envoyée vendredi dernier au gouvernement PJD de Benkirane, l’organisation hausse le ton et accuse le gouvernement de n’avoir pris aucune mesure pour mieux lutter contre la corruption, depuis un an, date depuis laquelle il est au pouvoir.
Spots publicitaires au lieu d'une véritable stratégie
Aujourd’hui, lundi 10 décembre, le gouvernement répond aux accusations de l’ONG. Lors d’une conférence de presse, le ministère délégué auprès du Chef du Gouvernement, chargé de la Fonction Publique et de la Modernisation de l’Administration a présenté un programme National de Sensibilisation à la Prévention et à la Lutte contre la Corruption. Mais la montagne n’a accouché que d’une souris. Au lieu de présenter des mesures concrètes pour mieux lutter contre la corruption, le ministère a annoncé le lancement d’une campagne de sensibilisation «étalant les causes et les effets néfastes de la corruption à travers la diffusion de capsules TV et radio, l’affichage et d’autres supports de communication», précise le communiqué de presse du ministère envoyé à la rédaction de Yabiladi.
«On s’attendait à des mesures concrètes, finalement ce sont des spots publicitaires que nous avons !», lance avec un rire ironique Abdessamad Sadouk, Secrétaire Général de Transparency Maroc, contacté cet après-midi par nos soins. «C’est dramatique. C’est une insulte à l’intelligence des Marocains ! En 2011, lors du Printemps arabe, des milliers de Marocains sont descendus dans la rue pour abolir la corruption. Ce ne sont pas des spots publicitaires que ces citoyens attendaient au final. Le gouvernement n’a rien compris ! Il est incapable de faire quelque chose, c’est révoltant» déplore-t-il.
"Mesurettes"
Pourtant, le gouvernement Benkirane avait montré des signes de bonne volonté en publiant notamment la liste des personnes ayant des agréments de transport ou des carrières de sable et de pierres, souligne Abdessamad Sadouk, des signes qu'il qualifie néanmoins de «mesurettes». «A part ça, on a rien vu d’autre. Il faut que le gouvernement dévoile une véritable stratégie de lutte contre la corruption. Pourtant le gouvernement ne manque de rien pour lancer cette stratégie. Il y a la société civile qui est là et les études pour mieux lutter contre la corruption ne manquent pas», déplore-t-il. Le SG de Transparency Maroc demande notamment de mettre fin à l’impunité, d’accélérer les jugements qui attendent dans les tribunaux depuis des dizaines d’années, que l’administration et la justice prennent mieux en compte les enquêtes et les rapports délivrés par l’inspection générale des finances sur des soupçons de corruption dans les entreprises, «des rapports qui vont rester dans les tiroirs», regrette-t-il.
Plus d'audace demandée
Enfin, ce que demande Abdessamad Sadouk est que le gouvernement soit plus audacieux et courageux. «Nous ce qu’on demande, ce n’est pas de faire tomber des têtes mais que le gouvernement se lève contre ces groupes puissants qui sont en face de lui et qui ont des intérêts à protéger. On veut que justice soit faite et que la présomption d’innocence soit respectée», poursuit-il. Sadouk fait notamment référence à une affaire qui l’a révolté : celle des attributions de prime entre Mézouar et Bensouda. «On s’attendait à ce que le gouvernement fasse son travail, que la justice mène une enquête pour savoir si ces primes étaient réellement légales ou pas. Au lieu de ça, on a mis la main sur un fonctionnaire qu’on accuse d’avoir publié la lettre d’attribution des primes» conclut-il amer. Un comité de soutien au fonctionnaire a été crée par Transparency Maroc. L’affaire a été reportée au 19 janvier prochain.