En 2018, l’attentat terroriste contre le marché de Noël à Strasbourg a marqué un tournant dans la vie de Fayçal Marzouq. Après cette attaque, qui a fait 5 morts et 11 blessés, le ressortissant marocain résident en France s’est décidé à faire jaillir une lueur d’espoir à partir de la tragédie, de manière à ce que les vies de plusieurs autres personnes soient illuminées, surtout les étudiants vivant dans des conditions difficiles.
Natif de Casablanca, Fayçal Marzouq a obtenu son baccalauréat, avant que sa famille ne décide de rejoindre son père, alors ingénieur chez Siemens en Allemagne. Le jeune bachelier passe les sept premières années de sa vie d’adulte dans le pays, où il réussit une nouvelle fois son examen du baccalauréat, puis il décroche un diplôme de technicien supérieur (BTS) dans le domaine de la vente. Il intègre rapidement le monde professionnel à travers la chaîne de prêt-à-porter American Sportswear, au sein de laquelle il exerce pendant deux ans et demi.
Porté par l’ambition de capitaliser sur son expérience acquise, Fayçal Marzouq décide en 2013 de lancer son propre projet en Allemagne. Trois ans plus tard, il étend son activité au-delà des frontières, en ayant un pied désormais à Strasbourg, en France.
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L’attentat de Strasbourg, le bouleversement d’une vie
Jusque-là, Fayçal Marzouq et sa famille vivent paisiblement. Mais le 11 décembre 2018 restera gravé dans leur mémoire, puisqu’il aura bouleversé leur vie. En début de soirée, ce jour-là dans les rues proches du Christkindelsmärik, un terroriste ouvre le feu et tue trois personnes sur le coup, tandis que deux autres ont succombé à leurs blessures peu après. Une dizaine d’autres victimes ont été blessées.
Ichrak Marzouq, la sœur de Fayçal, s’est trouvée sur les lieux du drame, travaillant pour un supermarché de la place. Grâce à son calme qu’elle a su garder dans la panique générale, elle a pu aider plus de soixante personnes à se cacher à l’intérieur de la surface commerciale. Elle a également prodigué les premiers soins à une victime qui a reçu une balle dans la tête, mais qui finira par rendre l’âme, sous le regard de la jeune femme.
Fayçal, 41 ans, confie à Yabiladi que ce triste évènement «a profondément chamboulé la vie de [sa] sœur». «Restée indemne physiquement, elle a encaissé le coup aux frais de sa santé mentale. Peu après l’attentat, elle a quitté son emploi et s’est renfermée sur elle-même, isolée dans un cauchemar qui ne l’a plus quittée. Nous avons essayé de l’aider par tous les moyens possibles», se souvient le frère.
Le fait que la sœur soit affectée par l’attentat à ce point a fini par avoir un impact sur toute la famille. «Se dire qu’elle est encore en vie aujourd’hui, alors qu’elle n’a été qu’à quelques pas de l’assaillant, relève du miracle en soi. En guise de gratitude, j’ai pensé à la sortir de cette épreuve difficile en aidant d’autres personnes aussi», nous confie Fayçal.
Ichrak Marzouq accompagnée de Josiane Chevalier, préfète de la région du Grand-Est, ainsi que Fayçal Marzouq (g. à d.)
C’est dans cette dynamique que la mère de Fayçal et quelques voisins ont commencé à préparer des repas à la maison, pour les distribuer aux sans-abri dans les rues de Strasbourg.
«Au bout d’un moment, j’ai été surpris de voir certains étudiants venir recevoir les repas gratuits initialement préparés pour les sans-abri. Ceci m’a ouvert les yeux sur la triste réalité des conditions difficiles où beaucoup parmi ces jeunes vivent.»
Une association pour aider les étudiants
Après une période d’actions bénévoles enchaînées, Fayçal Marzouq s’est vu demander par les autorités municipales de réglementer ses initiatives, de manière à ce qu’elles ne restent plus aléatoire. C’est ainsi qu’il crée une association et consacre tout son temps à aider les personnes dans le besoin, en particulier les étudiants.
En 2022, l’association Fayz Marz voit le jour. «Cette organisation à but non lucratif vise à soutenir le plus grand nombre possible de personnes, à travers des distributions des repas, de vêtements, de denrées alimentaires et de produits d’hygiène», nous explique Fayçal Marzouq. Son ONG «apporte également un soutien administratif aux étudiants, en les assistant pour leurs inscriptions universitaires, leur accès à une protection sociale et à un habitat».
Dans ce sens, l’associatif dresse le constat négatif sur une vie estudiantine de plus en plus difficile pour les jeunes, «surtout après la crise sanitaire de 2020, dont les conséquences économiques ont conduit à la détérioration de leur vie, encore plus pour ceux qui vivent loin de leurs familles». «Tout ceci a accentué leur sentiment de solitude et leur manque de confiance dans l’avenir», rappelle Fayçal.
Des étudiants d’Egypte, d’Algérie, du Pakistan et du Maroc invités chez Driss El Kaissi, consul du Maroc à Strasbourg, dans le cadre de l’action spéciale ramadan 1 Famille = 1 Etudiant
Au pic de la crise liée à la pandémie de Covid-19, Fayçal Marzouq a également créé un réseau d’aide aux personnes âgées, où de nombreux étudiants se sont portés volontaires pour répondre gratuitement aux besoins identifiés.
L’association œuvre aussi pour accompagner les étudiants du Maroc et de l’étranger avant leur arrivée en France, à travers la recherche de logement, un accompagnement depuis l’aéroport d’arrivée et la facilitation du processus d’insertion sociale dans le nouveau pays d’accueil.
«Durant le mois de ramadan notamment, les familles ont l’habitude de se rassembler autour du repas de la rupture du jeûne. Mais certains étudiants venus de très loin n’ont pas la chance d’avoir régulièrement leurs proches avec eux. Nous recherchons donc des familles d’accueil avec qui ils peuvent partager ce moment, pour essayer de leur créer cette ambiance familiale ici.»
«La générosité est l’une des valeurs mises en avant au cours de ce mois et il est toujours préférable d’avoir des invités à sa table. En soi, c’est possible pour tout le monde, quelle que soit la religion ou les convictions», insiste l’associatif.