Le temps est au deuil des familles des victimes du meurtre commis par l’armée algérienne la semaine dernière dans les eaux frontalières à Saïdia. Celles-ci ne sont pas seules, puisqu’elles bénéficient d’un large élan de solidarité entre enfants issus de l’immigration. Cette semaine, de nombreuses organisations des Marocains du monde ont appelé au rassemblement dans plusieurs villes européennes, notamment à Paris, Barcelone et Bruxelles. Avant cela, des membres des diasporas marocaine et algérienne ont multiplié leur soutien direct aux proches endeuillés, dans la région de l’Oriental au Maroc.
Pour l’heure, «les proches attendent impatiemment le rapatriement de la dépouille de feu Abdelali Mchiouer», dont le corps a été récupéré du côté algérien, afin qu’ils puissent «lui consacrer des funérailles dignes et s’occuper de la rentrée scolaire de leurs enfants», a déclaré à Yabiladi Youssef Haji, militant de l’immigration maghrébine en France et ancien chargé de mission au Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME).
Au-delà de la bulle sur les réseaux sociaux, les diasporas des deux pays solidaires
Pour s’être rendu auprès des familles à Oujda, la semaine dernière, l’associatif décrit «une forte présence des voisins immigrés, mais aussi beaucoup d’autres en vacances dans d’autres villes du Maroc, qui se sont déplacés spécialement vers la région pour soutenir les familles endeuillées». Youssef Haji estime que ce drame, certes douloureux, «met aussi en lumière la solidarité des enfants de l’immigration, marocains et algériens, grâce à qui les familles des victimes ont pu obtenir les premières informations venues de Tlemcen, d’Oran et d’ailleurs».
«Cela nous ouvre les yeux sur les solidarités agissantes entre la jeunesse maghrébine d’Europe, en particulier marocaine et algérienne. On rend hommage aux jeunes de Clichy-Sous-Bois, de Montfermeil, de Vaujours et d’autres coins du département du 93, qui nous donnent des leçons de solidarité.»
Mardi 29 août, Bilal Kissi et Abdelali Mchiouer ont été tués, tandis qu’Ismaël Sannabi a été blessé puis interpellé du côté algérien, lors d’une sortie estivale en mer à bord de motos aquatiques. Non loin de la frontière maritime avec l’Algérie, les victimes ont été visées par des tirs de l’armée algérienne. Mohamed Kissi, frère de l’un des deux défunts et présent lors du drame, a pu regagner les eaux territoriales nationales. Le corps du premier mort a été entraîné par les courants jusqu’aux côtes marocaines, où il a été récupéré pour des funérailles tenues jeudi dernier. La semaine dernière, le parquet d’Oujda a pour sa part annoncé l’ouverture d’une enquête.
Le CNDH suit également la situation auprès des familles
Le 3 septembre, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a déploré une «violation du droit à la vie et une atteinte flagrante aux droits de l’Homme». Dans un communiqué, l’institution a fait savoir qu’une délégation menée par Mohamed Amarti, président de la Commission régionale des droits de l’Homme (CRDH) de l’Oriental, ainsi que plusieurs de ses membres, a été mandatée pour recueillir des informations et écouter Mohammed Kissi et sa famille, ainsi que celle d’Abdelali Mchiouer.
Le CNDH a par ailleurs indiqué être en contact avec l’Institution nationale des droits de l’Homme en Algérie, afin de garantir qu’Ismaïl Sannabi «bénéficie de toutes les garanties d’un procès équitable et public, en présence d’observateurs internationaux». Dans le pays voisin, il reste encore difficile d’obtenir des informations au sujet du détenu. Bien que sa condamnation à 18 mois de prison ait été initialement annoncée, il n’aurait pas encore été jugé.
A la suite du drame, l’acteur belgo-marocain Abdel Qissi, cousin de Bilal, a indiqué que ce meurtre réveillait les douleurs familiales, puisque plusieurs de ses proches «ont déjà été tués par la police frontalière algérienne», son village d’origine étant limitrophe au pays voisin.