«Enfin !», pourraient s’écrier les victimes et leurs familles. Le procès de Philippe Servaty s’est ouvert, ce lundi 3 décembre, devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, a affirmé à l’AFP Maître Redwan Mettioui, avocat au Barreau de Bruxelles représentant les victimes marocaines. L’ex-journaliste du quotidien belge Le Soir, surnommé par les médias le «pornographe d’Agadir», est poursuivi pour débauche ou prostitution de mineur, viol sur mineur de moins de 14 ans, diffusion d'images pornographiques présentant des mineurs, traitement dégradant et exposition et distribution d'images pornographiques.
«C’était [lundi matin, ndlr] une instruction d’audience. Nous n’avons pas encore eu l’occasion de témoigner. La présidente a lu [devant l’assistance] un mail que le prévenu a fait à l’une des victimes, une sorte d’aveu. C’était un moment clé de l’audience», relève Me Mettioui contacté par Yabiladi après la séance.
8 ans plus tard
Depuis les faits, huit longues années sont passées. Entre 2001 et 2004, Philippe Servaty effectuait des séjours très réguliers, à Agadir. Il appâtait des femmes et jeunes filles, toutes âgées entre 14 à 40 ans et issues de milieux défavorisés en leur promettant une vie meilleure en Belgique. L’homme les photographiait dans des positions suggestives et publiait les images sur internet. Certaines d’entre elles étaient gravées sur des CD et vendues dans les rues d’Agadir.
Démasqué en 2005, le journaliste belge avait réussi à s’enfuir du Maroc prétextant être «pervers et malade» lors d’une intervention sur RTBF. Il a donc fallu du temps pour que l’affaire soit portée devant les tribunaux, d’autant que les droits belge et marocain étaient discordants sur certains chefs d’accusations.
Le 1er février 2012, il a comparu devant la Chambre des mises en accusation à Bruxelles qui l’a renvoyé devant le tribunal correctionnel. Selon Me Mettioui, l’accusé nie tout «viol sur mineur de moins de 14 ans». Entre temps, une douzaine de jeunes femmes reconnues sur les photographies ont purgé, au Maroc, des peines allant jusqu'à un an de prison pour «débauche», parce qu'elles étaient majeures au moment des faits.
Les victimes condamnées
L'ouverture de ce procès marque «le début d’un long chemin pour les victimes et leurs familles dont la dignité a été entachée», déclare à Yabiladi Abderrahman El Yazidi, président de l’association Anarouz, qui suit cette affaire de très près depuis le début.
«Les Marocaines [victimes, nldr] ont été sanctionnées, parfois même au-delà de leurs actes», estime M. Yazidi, soulignant que certaines d’entre elles n’ont pas pu retrouver une situation sociale convenable. Il raconte l’histoire d’une jeune femme qui, après avoir purgé sa peine, a été licencié de son emploi. Après une longue recherche, «elle a finalement raconté son histoire à une directrice d’école qui a accepté de l’embaucher. Mais au bout d’un certain temps, une parente d’élève s’est plainte exigeant le licenciement de la jeune femme. Ce que la directrice s’est sentie dans l’obligation de faire.»
«Là encore, ce sont les cas les moins catastrophiques», souligne Me Mettioui faisant mention d’une jeune fille dont le mariage a été réduit à néant. «Son mari a appris qu’elle avait été mêlée à l’affaire d’Agadir et a décidé de rompre», dit-il. D’après l’avocat, ces femmes vivent au jour le jour et celles qui n’étaient que des mineures lors des faits sont aujourd’hui adultes.
Aujourd’hui, M. Yazidi se dit «confiant en la justice belge» pour punir Philippe Servaty. «C’est un petit détail, mais Servaty est sorti de l’audience par la petite porte, fuyant les journalistes. Il ne faut pas penser que cette affaire est passée aux oubliettes. Elle suit son cours», tient à préciser Me Mettioui. Pour cet avocat belgo-marocain, l’idéal aurait été que Philippe Servaty soit jugé au Maroc, mais le procès de Bruxelles vaut mieux que rien. Rendez-vous le 8 janvier 2013 pour la prochaine audience.