C’est une aventure extraordinaire dans laquelle s’est lancé Anass Yakine, un jeune Casablancais de 25 ans, le 25 novembre dernier. Il a décidé de relier à pied la ville de Dakhla à Tanger, un périple censé durer au total 14 mois. C’est donc de Casablanca qu’Anass s’est envolé pour Dakhla il y a quelques jours pour commencer sa longue marche à travers les plus de 2000 kilomètres qui l’attendent devant lui. Néanmoins, Anass avait vu au départ plus grand. Il prévoyait de commencer son voyage de Lagouira, à l’extrême sud du Maroc mais les autorités lui ont déconseillé de le faire pour des raisons de sécurité. «Je n’ai reçu aucun entraînement physique avant de me lancer dans cette marche. A mes yeux, l’épreuve est bien plus morale que physique !» estime-t-il.
Le nouveau Ibn Battouta
Avec 2000 dirhams en poche et sa carte bleue, il n’a pour bagage qu’un sac à dos ne pesant pas plus de 12 kilos avec quelques vêtements légers, un chargeur solaire pour charger son téléphone portable, son ipad, 3 appareils photo et caméra, des conserves de sardine, du fromage, un réchaud, une gamelle, des pâtes, de l’eau et une petite tente.
Mais Anass n’est pas seul dans son aventure. Il n’aurait pas fait ce voyage sans Sam, son berger allemand âgé d’un an. «C’est le compagnon de route idéal, surtout qu’il ne parle pas !», lance le jeune homme en riant. «Comme ça, on assure mutuellement la sécurité de l’un et de l’autre, enfin surtout moi de la sienne !», ajoute-t-il. En plus de son chien, Anass a pris avec lui une peluche en laine «P’tit nounouss» que sa mère lui a fabriqué alors qu’il venait de naitre. Une peluche qu’il a pris l’habitude de prendre avec lui lors de ces voyages. Car Anass est un amoureux fou des voyages depuis sa plus tendre enfance. «J’ai toujours été fasciné par Théodore Monod, un explorateur français passionné par les déserts qui disait que les déserts sont synonyme de vie. J’avais 12 ans quand j’ai entendu parler de lui pour la première fois à l’école et ça a été un déclic pour moi de voyager. Surtout qu’au Maroc, on a le désert !», explique-t-il. C’est ainsi à 12 ans que le jeune adolescent arrive à convaincre ses parents de le laisser faire son tout premier voyage seul. Il se rendra à Marrakech.
I have a dream
L’objectif du périple d’Anass est double. «Mon voyage a d’une part une dimension politique pour revendiquer la marocanité du Sahara. Mais je veux aussi transmettre un message à tous les enfants marocains. Je veux leur dire que réaliser leurs rêves est encore possible. Au fond de nous, on a tous un rêve, qu’on est malheureusement obligé d’abandonner à un moment de notre vie car on est vite confronté à des contraintes matérielles. Un jeune aujourd’hui va passer 10 ans à étudier et ensuite 40 ans à travailler. Moi je suis quelqu’un qui croit que dans la vie, on peut allier travail et passion», explique-t-il. Après avoir commencé des études d’économie, Anass abandonne très vite l’université où il étouffe. «C’était pas mon truc !», lâche-t-il simplement. Il se tourne vers le cinéma et apprend à utiliser une caméra en amateur avec des amis qui organisent de petites formations.
La ligne sonne occupée chez les opérateurs télécom…
Alors que les parents du jeune homme ont été les premiers à l’encourager à vivre pleinement son rêve et à parcourir le Maroc à pied, Anass va très vite rencontrer des gens sur son chemin qui ne vont pas comprendre la symbolique de son périple. A commencer par certains opérateurs télécom marocains vers qui il se tourne pour qu’ils sponsorisent son aventure. L’idée qu’Anass leur avait proposait était de tourner une web-série avec sa caméra et des petites publicités dans les villes qu’il traverserait en remerciant ces opérateurs de l’accompagner dans son périple et de lui permettre de garder le contact avec sa famille. «Hélas, je n’ai eu de leur part que des réactions décourageantes et démoralisantes ! L’un des responsables de ces opérateurs m’a même lancé au visage «malek à ouldi hla had ts3ts3 [Pourquoi tant d’efforts mon fils !]. Chez un autre opérateur, on m’a dit qu’ils ne sponsorisaient que des concerts de 2-3heures», regrette-t-il.
…mais les personnalités répondent présent
Cependant, Anass ne se décourage pas pour autant. Il rencontre sur sa route des gens qui croient dur comme fer en son rêve. «Le groupe Hoba Hoba Spirit finance une partie de mon projet. Maguy Kakon [politicienne marocaine de confession juive] est ma marraine. Une femme formidable que j’ai rencontré à Dakhla. Elle m’a apporté un soutien incroyable», explique-t-il. Anass reçoit également le soutien d’une personnalité dont il ne se serait jamais douté. «Jamel Debouzze m’a également appelé sur mon portable pour me soutenir moralement et m’encourager à aller au bout de mon aventure. Il m’avait envoyé au départ un email mais je croyais que c’était quelqu’un qui se moquait de moi. Son mail faisait 5 lignes et moi je lui ai répondu que d’un simple merci», explique-t-il en riant ajoutant qu’il compte rencontrer le comédien franco-marocain à Taza, ville où ce dernier passe régulièrement des vacances avec sa famille. «Il ne faut pas attendre qu’un Marocain décroche le prix Nobel pour que le Maroc s’intéresse enfin à lui. Il faut croire et encourager des jeunes comme Anass, ce sont des héros, des donneurs de talent», renchérit de son côté Maguy Kakon.
Cap sur Boujdour
Lorsque Yabiladi a appelé Anass ce matin sur son portable, il se trouvait à 25 kilomètres de Dakhla. «J’ai planté ma tente sur une plage à 25 kilomètres de Dakhla et je suis actuellement avec des touristes étrangers qui, eux, sillonnent le désert en caravane et en camping car. Je suis censé quitter ce lieu aujourd’hui mais ça dépendra du vent qu’il y aura dans le désert» explique-t-il. Prochaine étape : Boujdour. Alors qu’il vient à peine de commencer son aventure, Anass pense déjà à un autre rêve. «J’aimerais un jour partir à la Mecque à pied ! Je n’ai pas peur de prendre des risques. Le risque fait partie de l’aventure.», conclut-t-il.
Anass Yakine sur 2M il y a moins de 3 ans parlant de son voyage