Un an après la victoire «historique» du Parti de la justice et du développement, souvent qualifié d’islamiste modéré, aux élections législatives, le 25 novembre 2011, le gouvernement d’Abdelilah Benkirane doit faire face à une marée de critiques, notamment de la part de l’opposition qui l’accuse de jouer un rôle de surface. «Tout le monde a pensé que les choses s'étaient stabilisées, or elles ne le sont pas encore : nous sommes à la recherche d'un nouveau rythme que nous voulons démocratique», estime Ali Bouabid, membre du bureau national de l'Union socialiste des forces populaires (USF), rapporte ce samedi 24 novembre le quotidien français le Monde, dans un article qui retrace cette première année «de cohabitation» entre le gouvernement et le Palais.
«Un an de cohabitation» ?
Depuis l’adoption de la nouvelle Constitution, le 1e jullet 2011 par voie de référendum, une seule des vingt lois organiques devant accompagner la mise en œuvre du nouveau texte a été votée au Parlement. «Aucun grand débat de société n'a été ouvert, aucune réforme d'ampleur n'a été lancée, malgré une situation économique dégradée, un taux de chômage qui avoisine les 30 % chez les jeunes et une protection sociale qui fait défaut à un quart de la population», déplore le journal français qui estime que «2012 a été une année de rodage entre le Palais et le gouvernement».
«Les débats sur les lois organiques sont aussi importants que la Constitution», rappelle Ali Bouabid. «Or il faut tenir compte à la fois des habitudes de la monarchie, qu'il ne faut pas bousculer, des mouvements de l'opinion publique, un acteur nouveau au Maroc, et des attentes ou des frustrations que la marmite du "printemps arabe" a fait exploser», poursuit-il avant d’ajouter : «Sur plus d'un plan, le gouvernement préfère continuer à jouer un rôle d'intendance», estime Ali Bouabid. Une opinion partagée par bien d’autres, qu’ils soient dans le milieu politique, ou associatif.
Retour à la case départ ?
Parallèlement à l’arrivée au pouvoir du PJD, plusieurs membres de l’ancien gouvernement, à l’image de Taïeb Fassi Fihri , ancien ministre des Affaires étrangères ou Yassir Zenagui, ancien ministre du Tourisme, ont été élevés au rang de conseillers royaux. Ces derniers ont d’ailleurs accompagné le souverain lors de sa récente tournée dans les pays du Golfe, début octobre dernier. «Normalement, ce sujet aurait dû être un champ de bataille, mais non, rien», déplore Khadija Ryadi, présidente de l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH).
«On revient presque à la case départ. La Constitution reste théorique. Elle est venue apaiser, calmer. Ce n'est pas suffisant, mais cela a réussi», a-t-elle estimé. Et d’ajouter : «Les interventions de la police deviennent violentes, la situation en Syrie et en Libye est utilisée pour faire peur. Et pour montrer aux gens qu'il n'y a pas de changement pacifique».
Les islamistes mécontents
Les Islamistes d’Al Adl Wal Ihsane, un parti non reconnu mais toléré par les autorités, sont également du même avis, ou presque. «Qu'est-ce que ce gouvernement a d'islamiste ? Franchement, je ne vois pas», martèle Abdellah Chibani, l'un des dirigeants du parti, contacté également par le Monde. «Ce n'est qu'un gouvernement de façade à qui on a délégué quelques affaires, le vrai gouvernement, ce sont les conseillers du roi», souligne le parti de Cheikh Yassine. «Aujourd'hui, la soupape de sécurité du régime, c'est un gouvernement islamiste, mais un jour, dans deux, trois ans, cela ne suffira peut-être plus», assure Chibani.
Les principaux intéressés, eux, n’entendent pas les choses de la même oreille. Pour Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, il est question de «coopération». «Il y a des attributions constitutionnelles claires, nous travaillons dans un cadre de coopération avec l'ensemble des institutions sous la conduite de Sa Majesté», affirme le ministre avant de souligner : «nous avons choisi une troisième voie, entre révolution et continuité».