Contrairement à une version initiale des avocats, le tribunal de famille à Casablanca n’a pas répondu positivement, ce lundi, à une requête pour la levée de la tutelle du père en raison de son absence auprès de l’enfant, dans le cas du divorce entre les deux parents. Quelques minutes après que le verdict a été prononcé, en présence de trois avocats, la plaignante a elle-même déclaré aux médias avoir reçu l’information sur la levée de tutelle du père, de la part du représentant de la partie civile. Cela aurait été une première pour la justice marocaine. Ce lundi 20 février dans la mi-journée, la décision a clôturé un procès ayant duré un mois, après que la comédienne et actrice Jamila El Haouni a saisi les juges dans ce sens.
Après consultation du jugement dans sa version écrite, il s’est avéré que les juges ont bien maintenu la tutelle, mais ont accepté les autres requêtes, notamment celle de pouvoir inscrire l’enfant dans un établissement français au Maroc, malgré l’opposition du père. Jamila El Haouni a déclaré qu’elle allait interjeter appel, afin d’obtenir la levée de tutelle.
En décembre 2022, l’artiste a porté plainte contre son ex-mari, l’acteur Amine Ennaji, à qui elle a reproché de ne jamais être présent pour leur enfant. A l’âge de 12 ans, le jeune garçon n’a notamment pas été en mesure de réunir l’ensemble des documents nécessaires pour faire son passeport. Pour cause, certaines pièces devaient être fournies par le tuteur légal, qui s’y serait opposé, selon la version de l’actrice. En conséquence, l’enfant féru de football a raté un voyage en Espagne organisé, l’été dernier avec ses amis de l’établissement scolaire, avec une visite à un club de football à la clé.
Une non-tutelle qui met à mal l’épanouissement de l’enfant
Fin 2022, la mère plaignante s’était confiée sur cette situation, sur la chaîne d’information de la MAP, M24. Lors de cet entretien, Jamila El Haouni a déclaré qu’en huit ans, son enfant aurait vu son père seulement «deux fois». «La pension alimentaire, son père l’a payée deux fois, la première en 2017 et la deuxième en 2022», a-t-elle ajouté.
Rêvant de devenir un professionnel du ballon rond, l’enfant pourrait notamment rater plusieurs occasions de participer à des rencontres importantes à l’étranger, si son père s’y oppose ; la mère ne pouvant prendre de décision sans avoir la tutelle légale, a-t-elle encore indiqué. En janvier de cette année, le jeune garçon a dû décliner l'invitation du club RCD Espanyol de Barcelona, faute d’autorisation du tuteur légal.
Pour sa part, le père de l’enfant a saisi la justice à Marrakech contre son ex-épouse, à qui il reproche «des propos diffamatoires et mensongers».
Des jurisprudences pour l’intérêt supérieur de l’enfant
Depuis la réforme de 2004, l’article 236 du Code de la famille accorde la garde de l’enfant à la mère, en cas de divorce et de non-remariage, mais il laisse la tutelle légale au père. Toutefois, l’article 238 du même texte permet à la mère de saisir la justice pour lever la tutelle du père, si l’un des trois cas se présente : décès, trouble mental cliniquement avéré ou absence. Jamila El Haouni a précédemment exprimé son intention de se tourner vers le tribunal de famille, car son ex-mari «ne s’est, à aucun moment, impliqué dans l’éducation de son fils, ne le connaît pas puisqu’il ne le voit jamais», selon ses dires.
Concernant la garde de l’enfant à la mère et dans son article 174, le Code de la famille permet au père également de saisir la justice et de demander que son ex-épouse soit déchue de ce droit, si elle se remarie. Mais dans un verdict qui fera jurisprudence, s’il n’est pas annulé en appel, le tribunal de Midelt a rejeté, l’année dernière, une requête dans ce sens.
En 2019, l’association W-Lady a justement été constituée par des avocats, des mères et des pères de famille, pour soulever la problématique que constitue cette inégalité au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant et des préjudices qui en découlent à l’égard de l’un des deux parents.