Pour que les deux bureaux de liaison à Rabat et à Tel Aviv deviennent des ambassades du Maroc et d’Israël représentées dans les deux pays, ce dernier devra d’abord reconnaître officiellement la souveraineté marocaine sur le Sahara. C’est la condition que la diplomatie du royaume aurait posée, selon le site d’information américain Axios. Autrement, cette non-reconnaissance pourrait laisser le processus au point mort, jusqu’à ce que la demande marocaine soit satisfaite.
Citant quatre responsables israéliens actuels et anciens, le média rapporte ainsi que Rabat a soulevé la question à plusieurs reprises, lors de réunions tenues ces derniers mois. «Des responsables marocains ont exigé la reconnaissance officielle du Sahara par Israël, chaque fois que les Israéliens ont soulevé la question de l’élévation du niveau de la représentation diplomatique», indique-t-on.
D’anciens responsables israéliens plaident ouvertement pour la reconnaissance
Alors que certains politiques israéliens ont soutenu la demande du Maroc dans des déclarations publiques, le ministère des Affaires étrangères, lui, garde encore une position ambiguë. Selon les informations d’Axios, des décideurs en Israël soulignent que la requête ne serait pas encore aboutie, voyant que Rabat aurait «utilisé» le motif de non-reconnaissance officielle pour «justifier son retard sur l’ouverture de l’ambassade».
En décembre 2020, date de l’officialisation de la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, cet accord signé également avec les Etats-Unis a mentionné la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental par Washington. Aujourd’hui, les responsables israéliens cités estiment que leur nouveau gouvernement de droite «n’aura aucun problème à reconnaître le Sahara occidental comme partie intégrante du Maroc», tout en évoquant «la volonté de Netanyahu de visiter le royaume dans les mois à venir».
Dans sa lettre d’information de décembre 2022, Abraham Accord Peace Institute, créé au lendemain de la conclusion des accords éponymes normalisant les relations entre Israël et quatre Etats arabes, dont le Maroc, estime explicitement qu’«Israël doit reconnaître officiellement la souveraineté du Maroc sur son Sahara». Pour l’institut, il s’agit d’«une étape nécessaire» dans le partenariat entre le Rabat et Tel Aviv. Outre «la promotion des liens» avec le royaume, cette reconnaissance «affaiblira également le front Polisario, soutenu par l’Iran et le Hezbollah», souligne-t-on.
Signé par Meir Ben-Shabbat, conseiller à la sécurité nationale de l’Etat d’Israël en décembre 2020, ainsi que par David Aaronson, directeur adjoint pour Israël de l’Abraham Accords Peace Institute et ancien conseiller principal du ministre chargé de la Coopération régionale, le document note que cette reconnaissance devient importante pour faire évoluer les relations, d’autant que «de nombreux pays, y compris les Etats-Unis», ont franchi le pas.
La position mi-figue, mi-raisin de Tel Aviv
En juin dernier, lors de sa visite au Maroc, la ministre israélienne de l’Intérieur, Ayelet Shaked a déclaré qu’Israël reconnaissait bien la souveraineté marocaine sur le Sahara. Mais le ministre israélien des Affaires étrangères de l’époque, Yair Lapid, est rapidement revenu sur cette déclaration, affirmant que «la proposition marocaine d’autonomie pour le Sahara occidental est une évolution positive».
Quelques semaines plus tard, le ministre israélien de la Justice de l’époque, Gideon Saar, s’est rendu au Maroc et a déclaré aussi que le Sahara faisait partie intégrante du territoire marocain. Le ministère israélien des Affaires étrangères s’est à nouveau exprimé en prenant ses distances avec ces déclarations. La question reste en effet ambiguë, au point même d’avoir menacé la signature des accords d’Abraham entre le Maroc et Israël.
Conseiller et gendre de l’ancien président américain Donald Trump, Jared Kushner a précédemment confirmé dans ses mémoires que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu «ne voulait pas de bureau de liaison, mais plutôt une ambassade d’Israël au Maroc». Dans le temps, cette proposition a été rejetée par le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, «au point de menacer d’annuler complètement l’accord».