La plateforme Forbidden Stories a publié, cette semaine, une nouvelle enquête sur les terres collectives dans le royaume. Intitulée «Maroc : les rouages d'une machine à cash», l’enquête reprend une partie des investigations du journaliste Omar Radi sur les terres collectives des habitants du douar Ouled Sbita, sis Plage des Nations près de Salé, avant son arrestation.
Si Forbidden Stories dit révéler «comment des terres tribales ont servi à l’enrichissement de proches du roi» Mohammed VI, le principal élément de l’enquête est un «acte de réquisition» qui aurait permis de «contourner la loi pour permettre au secteur privé de s’accaparer les terres normalement protégées par l’État».
Ainsi, «le 21 octobre 2010, la collectivité ethnique Ouled Sbita, représentée par le Secrétaire d’État à l’Intérieur, a vendu à la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG, ndlr), représentée par son Directeur Général, la totalité de la propriété dite "Bled Ouled Sbita", située à Salé, Bouknadel, Plage des Nations, consistant en une parcelle de terrain nu, d’une superficie approximative de 355 hectares», indique le document révélé pour la première fois. La CDG y déclare ensuite, dans «un acte reçu par le Notaire le même jour» que la propriété en question «a été acquise pour le compte de la Société Anonyme "Douja Promotion Groupe Addoha" qui a effectivement avancé la totalité du prix de vente», ajoute-t-on.
Une «opération triangulaire» pour «blanchir l’affaire»
«En clair, la collectivité n’ayant pas la capacité juridique de vendre elle-même sa terre, c’est l’État, en vertu de sa tutelle, qui a cédé les terres des Ouled Sbita à la CDG, établissement public. Et la société Addoha, qui a avancé l’argent, les a ensuite récupérées auprès de la CDG. Le document ne mentionne cependant aucun prix de vente», explique l’enquête de Forbidden Stories. Ce document aurait été transmis par Omar Radi à la Bertha Foundation, poursuit-on.
La même source, citant un cadre anonyme du ministère des finances affirme que c’est «justement en raison des liens étroits entre la CDG et Addoha que l’établissement a servi dans cette opération triangulaire». «Il fallait une troisième partie pour blanchir l’affaire», poursuit-il, ajoutant que le document de réquisition que s’est procuré Omar Radi «démontre de façon claire et évidente la connivence des parties pour détourner la loi». L’enquête revient aussi sur le délit d’initié, confirmé par le rapport de la Cour des comptes en 2010, en affirmant qu’il s’agirait de l’entreprise Addoha.
L’enquête reprend plusieurs éléments déjà révélés par la presse. Le sujet des terres collectives est débattu en toute transparence au Maroc, au sein du gouvernement et de la société civile et ne recèle aucune face cachée ou dessous sensibles, assure un responsable. En effet, l’association ATTAC Maroc a dénoncé des affaires similaires et milité pour les droits des Soulaliyates.
Le responsable rappelle en outre que le problème des Soulaliyates et des terres collectives est avant tout un héritage du protectorat français qui a exploité à sa guise pendant 44 ans les terres tribales du pays. Il assure qu'en ce sens, la réforme des terres collectives a été entamée au Maroc pour engendrer un développement durable au niveau territorial, grâce au capital marocain.