Début septembre, un enfant de quatre ans a réalisé un exploit mondial, en devenant le plus jeune alpiniste en herbe à atteindre le plus haut sommet de l’Afrique du Nord. Préparé physiquement, psychiquement et médicalement pendant plusieurs mois, Sami Tazi a effectué l’ascension du Toubkal (4 167), grâce à un accompagnement de près par son oncle, Zakaria Naji Lamrani, médecin spécialiste en cardiologie et lui-même auteur d’exploits internationaux. Actuellement, le praticien entreprend d’atteindre Elbrouz (Russie, 5 643 mètres), plus haute montagne de l’Europe.
«C’est après l’ascension de mon frère au Kilimandjaro (Zanzibar), l’année dernière, que Sami, fasciné par ces exploits, a voulu réaliser l’une de ces montées avec son oncle, qui lui a promis de grimper ensemble le Toubkal, pour son quatrième anniversaire», a déclaré à Yabiladi la mère de l’enfant, Maryame Naji Lamrani. «Pour autant, il a été important de ne pas entreprendre cette ascension à l’aveugle», a-t-elle souligné. L’enfant a été accompagné de trois adultes : son oncle, son père habitué à la randonnée, ainsi qu’un guide de montagne qui a déjà encadré des sorties pour les enfants.
Youness Tazi, père de Sami, insiste sur ce point : «Il est très important que l’enfant soit déjà à un stade où il peut exprimer ses ressentis et se faire comprendre par son entourage. Il est primordial de vérifier son bilan de santé, par un prélèvement sanguin et la réalisation d’un électrocardiogramme, en plus d’être sûr que les risques sont maîtrisés.»
Sami accompagné de son oncle
Un apprentissage pour les parents et les enfants
Maryame Naji Lamrani nous confie que «Sami est habitué aux sorties en nature, à la montagne». «La randonnée et le tourisme rural sont des rituels au sein de la famille et Sami aime les jeux dans le grand air. Il a précocement intégré l’idée de ne pas avoir peur de sortir de sa zone de confort, de quitter la maison pour quelques jours de randonnée, et aussi de savoir apprécier ce qu’il a», raconte-t-elle.
«Nous avons appris à Sami à s’adapter à différentes situations, en le préparant préalablement, dans une démarche pédagogique, ludique et d’implication, où il participe à son échelle aux préparatifs, afin qu’il soit rassuré sur ce qui est en train de se faire.»
Maryame a accompagné son enfant dans la préparation psychique de l’ascension du Toubkal. «C’est d’abord un processus qui a commencé à mon échelle, lorsque j’ai décidé de me former en parentalité positive. Au début, j’ai souvent surprotégé mon enfant et j’ai remarqué que cette approche n’était pas la plus adéquate. J’ai donc souhaité travailler sur moi, en considérant qu’il s’agit d’un exercice de dépassement de soi», nous dit-elle.
Les parents ont aussi préparé Sami à l’acceptation de l’échec : «Nous lui avons bien expliqué qu’il s’agissait avant tout d’une étape d’apprentissage, qui sera en soi un exploit pour lui et pour nous, que le sommet de la montagne n’est pas l’objectif ultime, mais que c’est plutôt ce que va apporter une telle sortie à sa prise de conscience quant à ses aptitudes et limites.»
Sami accompagné de son père
Sortir les enfants du monde des écrans à outrance
Maryame souligne que «le plus précieux cadeau pour un enfant est que ses parents passent du temps avec lui, en créant des moments collectifs et des objectifs communs». Souhaitant partager avec les jeunes parents ce que ce moment de préparation lui a appris, elle estime qu’«il est important de privilégier le contact avec la nature au fait de laisser les petits devant des écrans de tablettes et de téléphones». «Etant médecin et connaissant les dommages de ces usages, je prie les parents de créer d’autres habitudes : le grand air apaise, permet des moments d’épanouissement et favorise un équilibre très important pour le psychisme», affirme la maman. Pour le papa, «tout cela s’effectue sur le temps long et fait partie de la préparation mentale, qui se fait dans la régularité et sur plusieurs années».
«Cette ascension a été l'occasion de créer de beaux souvenirs avec Sami. C’est une belle façon de consacrer son temps à ses petits : nous les aidons à intégrer la notion de l’accomplissement, qui leur servira dans tous les aspects de la vie.»
Spécialiste en cardiologie vivant au Sénégal, Zakaria Naji Lamrani indique, de son côté, que vu la hauteur, qui implique un manque d’oxygène au fur et à mesure de la montée, l’enfant a alterné marche et portage au cours des 200 derniers mètres. «Il a eu quelques somnolences à un certain moment, mais l’accompagnement médical et celui du guide de montagne lui ont évité tout risque de malaise ou d’éventuel œdème». «Toutes les possibilités étaient envisagées, y compris de redescendre avant l’arrivée, s’il le fallait», a insisté le médecin.
Sami accompagné de son guide de montagne
«De manière ordonnée, nous marquions des pauses tout au long de l’ascension. Je mesurais le rythme cardiaque de Sami, ses pulsations et sa température en permanence, notamment à l’aide d’une montre de randonnée», a-t-il ajouté, soulignant également l’aspect primordial de l’encadrement de ces sorties.
«Au sommet, Sami était très content. Nous lui avons expliqué que nous étions au plus haut point du Maroc et d’Afrique du Nord, et qu’il était le plus jeune enfant à l’avoir atteint. Il ne réalisait peut-être pas la portée de l'exploit, sur le coup, mais il en gardera un bon souvenir qu’il pourra raconter lui-même, dans quelques années», confie le père avec un brin de fierté.