La ministre de la Transition numérique et de la réforme de l'administration a affirmé, cette semaine, que «le Maroc, comme d'autres pays dans le monde, connaît une dynamique des compétences, étant un pays économiquement ouvert». Intervenant lors de la séance de questions orales tenue lundi à la Chambre des représentants, Ghita Mezzour a noté que la migration des compétences intervient pour acquérir de nouvelles expériences, ajoutant que les immigrés peuvent bénéficier au Maroc depuis leurs postes de responsabilité, étant donné les liens culturels et sociaux forts qui les lient à leur pays.
Toutefois, en évoquant les MRE qui reviennent s’installer au Maroc, la ministre PAMiste a sorti de leur contexte les chiffres tirés de «l’Enquête nationale sur la migration internationale 2018-2019» du Haut-Commissariat au Plan (HCP), ce qui a laissé place à plusieurs inexactitudes.
10 000 immigrés marocains... c'est peu !
En effet, Ghita Mezzour a affirmé, dans le même sillage, qu’une «partie importante de ces compétences revient au Maroc». «Chaque année, environ 10 000 émigrés marocains reviennent dans leur pays de façon définitive, selon le rapport du Haut-Commissariat au Plan de 2020», a-t-elle poursuivi.
واستدلت الوزيرة بتقرير للمندوبية السامية للتخطيط لسنة 202، والذي أكد أن جزءا هاما من كفاءات مغاربة العالم، ما يقارب ال10 آلاف منهم، يعودون سنويا إلى المغرب بصفة نهائيةhttps://t.co/MF27iVQSzp#البام_باش_نزيدوا_القدام #بام_القرب pic.twitter.com/WG72kVujvA
— PAM حزب الأصالة والمعاصرة (@commPAM) July 26, 2022
Dans une partie sur les «migrants de retour», qu’il définit comme étant nés au Maroc mais ayant vécu dans un autre pays pendant trois mois ou plus et sont retournés au Maroc depuis le début de 2000, le HCP indique que «peu de Marocains résidant à l’étranger retournent au Maroc». «Sur plus de cinq millions de MRE, le recensement général de la population de 2014 avance le chiffre de 200 000 retours au Maroc pendant la période 2000-2014. Et la présente enquête estime à moins de 188 000 le nombre de retours depuis le début de 2000», explique-t-on.
Si le HCP avance bien le chiffre de «10 000 retours par an en moyenne», il le considère toutefois comme faible «par rapport aux cinq millions de MRE d’une part et aux trente-cinq millions de la population du Maroc, d’autre part».
L’enquête ajoute que seulement 3,4% des migrants de retour évoque comme raison principale le «désir d'investir/Affaires», contre 22,7% dont la raison est le «regroupement familiale», 14,2% pour la retraite et 10,2% pour des raisons liées au «Chômage/Offre d'emploi/Conditions de travail».
La même source ajoute que bien que «plus de la moitié (56,9%) des migrants de retour veulent rester au Maroc, plus d’un cinquième (22,4%) ont l’intention de repartir à l’étranger et un autre cinquième (20,8%) est composé d’indécis». Parmi ceux qui veulent rester, seulement 3% expliquent vouloir «développer [leurs] entreprises».
Des «compétences» qui s’orientent vers le public, le privé ou la création d’entreprise ?
Si la ministre parle de «compétences», laissant entendre que la majorité des MRE retournant vivre au Maroc dispose de formations supérieures, cette déduction très personnelle ne figure pas dans l’enquête du HCP. En effet, pour le niveau d’éducation des migrants de retour, le HCP a révélé que «les migrants de retour, bien plus que les émigrants restés à l’étranger, sont constitués d’individus sans instruction», qui représentent 24,5% du total. «Ceux ayant atteint le niveau primaire représente 17,8%», poursuit la même source pour qui «la vulnérabilité des émigrants privés d’instruction pousse ainsi au retour».
Néanmoins, «les migrants de retour de niveau universitaire sont nombreux (28,5%)», fait savoir l’enquête, précisant que les femmes migrantes de retour sont relativement plus instruites que les hommes, le niveau universitaire étant significativement plus fréquent parmi les femmes (39,1%) que parmi les hommes (24,3%).
Enfin, Ghita Mezzour a affirmé, lors de son intervention, que ces «immigrés se dirigent vers le secteur public ou privé, ou créent leurs propres projets et contribuent au développement de l'économie nationale». Si on imagine, à entendre la ministre, que les taux d’intégration de ces Marocains, que ce soit dans les secteurs public ou privé ou en terme de création d’entreprises sont importants, l’enquête du HCP indique une réalité différente.
Ainsi, par type d’activité parmi les migrants de retour, les actifs occupés représentent 44,8%, contre 15,6% de chômeurs, alors que les inactifs représentent 39,6% du total des migrants de retour. L’enquête signale aussi que ces Marocains évoquent des «difficultés rencontrées au retour», dont la difficulté à «trouver du travail» (14,2%), «la baisse du niveau de salaire/ rémunération - par rapport à celui qui était perçu à l’étranger» (9,9%) ainsi que des difficultés «administratives» (10,2%) et «de réadaptation» (9,8%).
En conclusion, si le chiffre avancé des retours des MRE est factuellement vrai, toute l'interprétation faite par la ministre est erronée et ne repose sur aucune base chiffrée.