Non, je ne suis pas là pour vous parler de l’un de ces sujets qui ont saturé notre actualité ces derniers jours. Moi aussi j’ai eu ma dose, et je veux juste que ça se termine pour pouvoir avancer sur d’autres choses, plus urgentes et plus constructives.
Je ne sais pas vraiment par quoi commencer (comme toujours à mon malheur). Vu que les mots et les émotions se disputent en moi. Beaucoup de choses qui me brûlent le cœur, me poignardant au fin fond de mon être. Le fils de ce pays qui se veut (le pays) acteur de modernité, développement, démocratie, égalité…. La liste n’a ni tête ni queue, à vrai dire.
Je ne vais pas faire dans la démagogie, ni dans l’analyse politique non plus. Mais je vais, plutôt, essayer de parler avec mes propres mots. Confesser un peu sur une chose qui m’a traumatisé et qui a ressurgie en moi une cascade d’interrogations et beaucoup de désillusions, surtout.
Dans le cadre de mes études dans le domaine de la santé, j’étais amené à réaliser une étude (avec un groupe d’étudiants) sur le système de santé canadien. Dans la foulée de mes recherches, j’avais pris contact avec plusieurs professionnels dans le pays en question, dont un professeur d’université spécialiste en la matière. Vingt-quatre heures plus tard, je recevais une réponse de ce monsieur. Celle-ci contenait un ensemble de documents et de travaux susceptibles de m’aider dans l’avancée de mon travail. Il m’a même envoyé un ouvrage documentaire qu’il n’a pas encore publié, prenant le risque (avec conscience académique) de l’envoyer à un inconnu, avec tous les aléas que la distribution de ce document «non-fini» peut engendrer. Car il partait du principe que la transmission du savoir passe avant toute autre considération.
La réponse était d’un niveau de respect et de clarté que les mots ne peuvent pas définir. Mais, ce n’était pas vraiment ça qui m’avait interpellé, ayant déjà une certaine habitude dans ce genre de communication. Pour l’enfant d’un pays du tiers monde que je suis, qui a fréquenté l’école et l’université marocaine avant de se voir obligé de partir comme tant d’autres visages abimés par l’attente et le mépris. Ces enfants du Maroc d’en bas, que ceux d’en haut n’aiment pas trop voir ni sentir non plus. Pour cet être insignifiant que je suis, je me retrouvais sans voix quand je me suis rendu compte (en faisant des recherches sur le parcours du professeur en question) que ce monsieur était un ancien ministre canadien de la santé, que ni le statut politique ni l’agenda académique n’ont pas empêché de prendre le temps de répondre aux questions et d’aider un étudiant lambda, venant de nul part, dans ses travaux et le conseiller le mieux possible qu’il peut dans ses recherches. L’aider à avancer sans se poser la question sur mon origine sociale ni si je venais de la part de quelqu’un de son cercle amical ou de son bord politique.
Cet événement m’avait rappelé un autre souvenir, que j’ai du mal à oublier (la preuve j’en parle à l’instant même…). Il y a quelques années, je travaillais sur un projet portant sur un projet sur l’enseignement médical dans les pays francophones. Ma foi en la science et l’amour que je portais (et c’est toujours le cas) à ma terre mère m’ont poussé à vouloir prendre contact avec une équipe s’intéressant à cette problématique au Maroc. J’avais envoyé un courriel exposant bien mon projet de travail et la raison de ma demande d’aide de leur côté. Comme une mauvaise plaisanterie du destin, je n’ai jamais eu de réponse de leur part jusqu’à ce jour. J’attends toujours, juste pour ne pas éteindre en moi la flamme du peu de foi qui me restait sur le bien fondé de mon initiative. Et je me demande, comment peut-on prétendre demander des informations à un haut fonctionnaire ou à un ministre dans notre cher pays dans ce cas et espérer avoir une réponse, puisque même des académiciens ne répondent pas? (Je ne généralise pas pour l’information, je parle juste de mon expérience).
Dans l’abîme du désespoir et de la colère, on hésite des fois à franchir le pas et tourner la page pour de bon. On se dit que ce pays ne veut pas de nous et qu’on se doit de faire pareil en fin de compte. Mais, on se rattrape et on se dit qu’on a encore cette bonne foi et la sincérité de nos sentiments envers cette patrie que nous pleurons de l’exil, au milieu de la solitude de nos rêves. Et qu’il n’y a pas de mal à espérer, encore et encore, que le soleil finira par se lever sur les collines de cette terre usée.
Comme disait ma mère «le sang court et ne se transforme jamais en eau…!». On pourrait toujours nous éloigner tant qu’on veut, mais nous avons tété le sein de cette terre orpheline. Cette source qui nous a appris à marcher, à rêver et ne pas reculer devant l’ombre qui guette nos vies et nos rêves, à ne jamais s’incliner devant les échecs ni les murs (Dieu sais l’ampleur de l’épaisseur et la hauteur des murs qui nous entourent). Qu’en dépit des distances et des blessures on finira, tôt ou tard, par revenir entre ses bras et la regarder dans les yeux pour lui dire qu’on ne l’a jamais oublié et qu’elle a illuminé les chemins qu’on avait à parcourir loin d’elle.
Mes aspirations frôlent la naïveté, je le reconnais volontiers, mais je me dis qu’on a le droit de croire en ce sentiment et c’est la moindre des choses. Car à force de continuer à creuser, le mûr de l’indifférence et le mépris finira bien par tomber….et s’il y a bien une chose qui vaut la peine qu’on y croit c’est bien notre foi en cette terre qui nous a enfanté….