En termes d’histoire et de géographie, l’oasis de Figuig a toujours été singulière. Même face à la rareté de l’eau actuelle, elle est touchée différemment, car disposant d’un système d’approvisionnement hydrique tout aussi particulier. Depuis des siècles, les figuiguis ont su drainer l’eau souterraine de plusieurs sources abondantes vers l’oasis et ont mis en place un système de distribution d’eau écologique et ingénieux.
Avec une sécheresse qui persiste, le débit de certaines sources a drastiquement baissé. D’autres ont même tari complètement, obligeant les agriculteurs à sacrifier l’agriculture vivrière pour sauver le palmier dattier. Pis, ils ne peuvent plus compter sur l’apport précieux du barrage Sfisaf, cruellement vide. Cet ouvrage hydrologique, le seul à être connecté à l’oasis, a pourtant une capacité de retenue globale de 20 millions de m3.
En dehors de l’oasis, les nouvelles plantations phoénicicoles se développent d’une manière exponentielle, sans égard pour le rabattement du niveau statique des eaux souterraines, constaté sur place et prouvé par les études scientifiques. Ce phénomène, commun à toutes les régions du Maroc, touche d’autres zones de la province de Figuig, avec la même déconsidération du tarissement des nappes et de l’augmentation de la chaleur.
Certes, ces nouvelles fermes développent la production et créent de l'emploi, mais cela se fait au détriment des ressources hydriques et de leur gestion rationnelle. Au sein de l’oasis, les palmiers, vieux de plusieurs siècles, accusent le coup, même si les Figuiguis sont arrivés à les préserver jusqu’à présent.
4000 tonnes de dattes dans l'Oriental
Par conséquent, les dattes de Figuig, réputées d’une qualité supérieure, notamment les variétés Aziza et Boufeggousse, risquent de ne plus être les mêmes. En termes de quantité, c’est plutôt dans la région Drâa-Tafilalet qu’on produit 90% des dattes marocaines (128 000 tonnes). Dans l’Oriental, la production plafonne à 4 000 tonnes annuellement, dont la plus grande part revient à la province de Figuig.
Par ailleurs, les plus grandes agglomérations de la province, comme le chef-lieu Bouârfa et Tendrara, et dans un moindre degré Figuig, connaissent un autre phénomène symptomatique de cette sécheresse structurelle. En effet, les campements de fortune installés par les nomades se sont considérablement agrandis, jusqu’à occuper plusieurs hectares, comme à Tendrara. Tout porte à croire que ce campement se transformera en espace définitif de sédentarisation pour les nomades Béni Guil.
Ce sont là les signes visibles d’une rareté de l’eau structurelle, que l’intensification du pompage solaire aggrave encore plus. Ils constituent les pièces majeures de l’échiquier socioéconomique, dans une région défavorisée par un cloisonnement frontalier récalcitrant. Une situation que nous vous proposons de suivre sur Yabiladi dans ce reportage en plusieurs épisodes.