Plus d’un an après avoir critiqué la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara, en décembre 2020, l’Espagne a annoncé la semaine dernière son soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc au Sahara. Un changement majeur qui ne sera pas sans répercussions sur le règlement du différend territorial. L’importance d’une telle position est mis en relief par les réactions de l’Algérie et du Front Polisario. Si Alger a décidé, samedi, de rappeler son ambassadeur à Madrid pour consultations, le Front a même menacé le chef du gouvernement espagnol de poursuite devant la Cour pénale internationale.
«Les Espagnols n’ont jamais reconnu le Polisario ni l’indépendance du Sahara de manière officielle», nous précise cette semaine Bachir Dkhil. Ancien membre fondateur du Front Polisario, il précise que «l’Espagne a déjà adressé une lettre aux Nations unies pour affirmer qu’elle n’est pas concernée par le conflit, à la suite de son accord tripartite de Madrid de 1975». Pour lui, la nouvelle position constitue «le commencement d’une nouvelle étape dans cette région, durant laquelle les Occidentaux ont compris que la solution la plus viable et la plus correcte est une autonomie sous la souveraineté du Maroc».
«L’impact de cette nouvelle position est très important. Il ne faut pas oublier que 70% du soutien humanitaire aux habitants des camps de Tindouf vient de l’Espagne et que les réseaux associatifs les plus importants sont espagnols. L’Espagne est aussi la 10e puissance mondiale et dispose d’influence en Amérique latine et en Europe.»
Le Sahraoui rappelle qu’«il s’agit aussi de l’ancien colonisateur de la province et sa position peut donc être suivie par d’autres Etats». «Tout cela ne pourra être qu’un plus pour la position du Maroc et son plan d’autonomie», enchaîne-t-il. «La nouvelle position a surtout mis à nu le régime des militaires en Algérie. L’Algérie s’est auto exposée, car en rappelant son ambassadeur en Espagne, elle confirme qu’elle est une partie au conflit», conclut Bachir Dkhil.
Un «revers majeur pour le projet algérien dans la région»
De son côté, Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud, ancien inspecteur général de la police du Front Polisario exilé en Mauritanie, rappelle que «les parties espagnole et algérienne ont tenté de faire passer une solution consensuelle entre elles, dans laquelle le Polisario administrerait la région sous le nom d'indépendance», mais que cette «tentative a été avortée par la Marche verte». Pour lui, le «pacte» entre Algériens et Espagnols a été rompu depuis que l'Espagne a annoncé son soutien à l'autonomie marocaine au Sahara.
«Il ne fait aucun doute que cela aura un impact significatif sur le règlement du différend car l'ancien colonisateur connaît les détails de la région. Et en tant que membre du Groupe des amis du Sahara occidental, la nouvelle position espagnole encouragera sans aucun doute ceux qui hésitent sur la scène internationale à exprimer des positions similaires.»
Tout en y voyant un «revers majeur pour le projet algérien dans la région» qui «isolerait» Alger au niveau international, l’ancien inspecteur général de la police du Front estime toutefois qu’il serait «prématuré d'affirmer que l’Algérie abandonnera son soutien au Polisario et à l'indépendance du Sahara, à moins que la communauté internationale ne s'unisse en faveur d'une option précise».
Une position qui a «exposé les contradictions du discours officiel algérien»
Pour sa part, Mohamed Salem Abdelfattah, ancien journaliste du Polisario ayant choisi de rentrer au Maroc, a réagi à la nouvelle sur son compte Facebook. «L'une des répercussions les plus importantes de la récente position espagnole pro-marocaine sur la question du Sahara est qu'elle a exposé les contradictions du discours officiel algérien», a-t-il écrit.
«D'une part, le régime algérien a été contraint d'apparaître comme partie prenante directe à la question du Sahara en rappelant son ambassadeur à Madrid en réponse à la position espagnole. D'autre part, les Espagnols ont été contraints d'embarrasser les politiciens algériens lorsqu'ils ont déclaré avoir informé l'Algérie de la position espagnole avant qu'elle ne soit officiellement annoncée.»
Pour l’ancien fonctionnaire du «ministère de l’Information» du Polisario, cette nouvelle position de l’Espagne a «révélé l'incapacité de l'Algérie à influencer les forces internationales impliquées dans le conflit, malgré les énormes potentiels que possède un pays pétrolier de la taille de l'Algérie par rapport au Maroc».
«Outre la supériorité et le contrôle du terrain dans la région par le Maroc aux dépens du Polisario, rendu incapable même d'être présent dans les zones tampons à l'est du mur, il y a une conviction dans la communauté internationale qui prend forme : Il s’agit d’une question existentielle pour le Maroc contrairement à l’Algérie», explique-t-il.