Né en 1993 en Suisse, d’un père marocain originaire de Settat et d’une mère française, Sami Grar est tombé sous le charme de la musique à son plus jeune âge. Du haut de ses 12 ans, il fait ses premiers pas dans le milieu amateur, encouragé par ses parents qui apprécient de voir son évolution. Il chante dans un chœur, suit des cours de guitare, ce qui lui fait encore plus aimer l’expression artistique et lui permet de trouver un équilibre avec sa scolarité.
«Très jeune, j’ai grandi dans une famille monoparentale, ma mère travaillait énormément et je n’avais pas beaucoup d’accompagnement, mais j’ai eu un déclic ensuite, ce qui m’a aidé à m’appliquer jusqu’à obtenir mon Bachelor en sciences politiques de l’Université de Lausanne», confie l’artiste à Yabiladi. Sami rêve de changer le monde. Par ailleurs, il améliore son chant et son jeu musical dans les styles acoustiques, blues, funk, soul, reggae, jonglant ainsi entre différentes couleurs. Il se souvient avoir beaucoup écouté The Doors, Led Zeppelin, Bob Dylan, Ben Harper, mais aussi du raï et du chaâbi avec son père lors de ses séjours au Maroc.
«Quand j’ai commencé à apprendre l’arabe en allant plus régulièrement au pays dès mes 15-16 ans, j’ai commencé à m’intéresser aux musiques du Maghreb que j’ai toujours aimées mais dont je n’avais pas la langue pour les comprendre entièrement.»
Des sciences politiques au monde professionnel de la musique
Au fil des années, Sami Grar bascule dans le monde musical professionnel, où il se retrouve davantage. A partir de 2015, il s'implique dans la musique plus assidument, jusqu’à ce que l’art devienne son activité principale, en 2017. «Mes parents m’ont toujours encouragé à jouer, mais lorsque j’ai décidé de le faire de manière professionnelle, il ont été un peu réticents car ils souhaitaient que je puisse ‘assurer mes arrières’ avec un diplôme et un travail stable, avant de penser à me produire sur scène», se souvient-il.
Après ses études universitaires, l’artiste tient à son ambition et se lance dans un premier projet solo «Tschämi Sole, one man band», porté sur le blues, la soul et le funk. Il se produit à plusieurs reprises et enregistre quatre morceaux, mais il est repris par son envie de jouer en groupe. D’une rencontre à l’autre, il participe au lancement du projet El Mizan, groupe maghrébin où il est désormais chanteur et bassiste. Le groupe travaille en ce moment sur la sortie d’un album en 2022. Avant cela, il a déjà signé un premier EP en quatre morceaux, sorti en 2019. Quelques mois plus tard, il sort le titre «Hallou lbab», qui prône l’ouverture des frontières entre le Maroc et l’Algérie, dans un morceau très politisé aux sonorités plutôt punks.
«Nous sommes des artistes marocains et algériens. Nous trouvons dommage qu’aujourd’hui encore, nombre parmi nous doivent passer par l’Europe pour se rencontrer, à cause de frontières fermées entre les deux pays depuis des décennies.»
L’artiste est par ailleurs chanteur et guitariste au sein de la formation Chouka, un projet collectif où «tout le monde apporte ses idées». Au sein d’un troisième groupe, Aïda, Sami est principalement instrumentiste et choriste. Grâce aux rencontres artistiques qu’il a réalisées, Sami a pu faire connaissance avec de nombreux artistes venus d’ici et d’ailleurs, ce qui a grandement joué dans la «redécouverte de [ses] propres racines».
Une confirmation sur la scène musicale en Suisse
Mais se démarquer dans le milieu musical en Suisse a longtemps été un défi, car la scène helvète reste marquée par la musique anglosaxonne. «Il faut du temps pour se faire sa place dans le milieu musical en Suisse et cela a été difficile, dans les première années, d’intégrer cet univers artistique, surtout pour moi qui suis issu de l’immigration», reconnaît-il.
«Après de longues années de contacts où j’ai pu affirmer mon empreinte musicale, un contexte d’ouverture à une musique qui n’est plus exclusivement francophone ni anglophone, chantant en arabe, a été à notre avantage pour El Mizan. Les choses commencent à changer. On produit et on diffuse nous-mêmes nos compositions, et ces deux dernières années, nous sommes désormais invités à nous produire avant même d’écrire aux organisateurs de concerts.»
Renouant autrement avec sa double culture, Sami Grar est aussi travailleur social auprès de personnes issues de l’immigration maghrébine, ce qui lui «fait garder un lien permanent avec le Maroc». Au sein d’un centre d’accueil de jour géré par la Fondation A Bas Seuil (ABS), il travaille avec des personnes âgées, sans logements, d’autres souffrant de problèmes liés à la drogue, ou encore des personnes à la recherche d’un hébergement. «C’est un concept qui signifie que le seuil de la porte est bas et qu’il est ouvert à tout demandeur. J’y travaille depuis deux ans maintenant, mais j’ai travaillé avant dans d’autres structures sociales d’accueil de nuit», souligne-t-il.
Evoluer dans cet univers totalement différent de la scène musicale a permis également à Sami de questionner son «propre parcours en tant que personne issue de l’immigration». «Je me suis rendu compte de certains privilèges que j’ai eus, j’ai commencé à avoir une vision de mes deux pays, à questionner mes identités géographiques ; cela m’a permis aussi de continuer à pratiquer la darija», déclare l’artiste.
Sami y voit aussi un milieu où «on apprend à mieux connaître les difficultés des personnes ayant migré en Europe dans les années 1970», et où il est «intéressant de mettre en lien les deux cultures». En dehors du centre d’hébergement, l’artiste reviendra sur scène dans les mois à venir, probablement pour se produire en France, en Allemagne et dans les pays du Maghreb.