Présentateur télé, professeur universitaire, associatif et humoriste, Kamal Kharmach a plusieurs cordes à son arc. Né le 15 novembre 1991 à Anvers au sein d’une famille marocaine originaire d’Al Hoceima, il a fait des études en économie jusqu’au doctorat à l’Université d’Anvers avant de faire une pause dans ses brillantes études. Il a ainsi choisi un chemin atypique : devenir humoriste et comédien.
«Je faisais du travail associatif en aidant les personnes sans papiers venues de l’étranger, et notamment du Maroc. Pour moi, même si elles arrivent en Belgique de manière irrégulière, ces personnes ont le droit d’avoir une culture et d’être à l’aise», nous confie-t-il. Avec des collègues, il décide ainsi d’organiser un événement culturel. L’un des artistes a eu un empêchement et n’a pas pu venir. Connu pour son sens d’humour et ses blagues, les collègues de Kamal Kharmach l’encouragent alors à monter sur scène. «J’étais hésitant mais je l’ai finalement fait. Un producteur de télévision, qui a assisté à ce show improvisé, m’a dit à la fin que j’ai beaucoup de talent. C’est ainsi que j’ai commencé», raconte-t-il avec humilité.
En décembre 2014, le jeune humoriste termine deuxième de l’émission Humo's Comedy Cup, pourtant dédié aux comédiens ayant déjà une expérience. «Le show m’a ouvert plusieurs portes car des producteurs d’émissions m’ont découvert et j’ai eu beaucoup de propositions», se remémore le Belgo-marocain qui devient, depuis, un visage familier en Belgique, surtout dans la zone flamande, où il présente plusieurs émissions, participent à des shows et devient même acteur.
L'humoriste belgo-marocain Kamal Kharmach. / Ph. Tom Bertels - Nieuwsblad
Un «porte-parole des Belges» et une «fierté» pour les Marocains
Sa plus grande consécration date de 2019, lorsqu’il se voit octroyer la présentation du «Oudejaarsconference», la «conférence du Nouvel An» diffusée le 31 décembre sur la chaîne publique généraliste La Une. «Je suis le seul comédien invité chaque année sur la télévision nationale pour une comédie spectacle et rétrospective. Je fais des blagues sur les politiciens, le premier ministre, les décisions prises… Mon contrat s’étend sur plusieurs années», explique-t-il avec une pointe de fierté. Mais cette nouvelle vie d’humoriste et personnalité publique a contraint le Belgo-marocain à mettre son projet de doctorat en pause pour quelques années avant de reprendre.
«A un certain moment, j’ai décidé de reprendre les études et l’économie. Actuellement, j’enseigne l’économie des entreprises et les mathématiques. Je ne voulais pas arrêter ma carrière en économie et en enseignement, car je savais que celle dans les médias et la comédie allait un jour prendre fin.»
Aujourd’hui, en plus de sa posture de professeur des universités, le Belgo-marocain se dit considéré, grâce à son spectacle annuel de «Conférencier de Belgique», comme «une sorte de porte-parole des Belges». «C’est quelque chose que beaucoup de Marocains apprécient et en sont fiers. Car pour une fois, ce n’est pas le fait d’être Marocain qui devient important mais plutôt mes blagues», ajoute-t-il.
Avec Ruth Beeckmans sur la chaîne VTM. / DR
«Beaucoup de Marocains ici veulent être considérés comme seulement des Belges. Ce n’est pas mon cas, car je suis fier d’être Marocain. C’est une partie de mon identité. Je me suis toujours présenté en tant que Belge et Marocain, qui visite le Maroc quand il peut, qui parle un peu l’arabe, qui parle le rifain et qui est musulman», fait-il savoir.
Le racisme subtil, la crise identitaire et la transmission d’héritage
L’humoriste regrette toutefois qu’il existe «toujours beaucoup de racisme en Belgique». «Il n’est pas explicite mais plutôt très subtile. Cela est problématique, car beaucoup de personnes ne trouvent pas de travail et des études affirment que lorsque vous avez un nom étranger, vous risquez de ne pas trouver facilement un logement», rappelle-t-il. «Si tous ces problèmes existent encore, c’est que l’intégration est toujours difficile.»
«Lorsqu’il y a des Belges qui sont toujours considérés comme des étrangers car issus de l’immigration, il est normal qu’ils s’intègrent mal et qu’ils ne fassent pas plus d’efforts. Les autorités ne font pas assez pour y remédier alors que la société belge penche de plus en plus vers la droite. Mais d’un autre côté, il y a des chances pour faire quelque chose de sa vie et réussir.»
Le Belgo-marocain, ancien directeur de la Maison de la culture maroco-flamande «Daarkom» et actuel membre de son assemblée générale, reconnaît en revanche que «les autorités marocaines font beaucoup pour la diaspora à l’étranger» notamment en Belgique, bien qu’il y ait «encore beaucoup de possibilités d'amélioriation». «Il faut être fier de notre héritage et de nos origines pour être encore plus fort et donner plus. C’est seulement ainsi que nous donnerons le meilleur de nous-mêmes et améliorerons notre image», souligne-t-il, en estimant que «la culture est un très bon moyen pour le faire».
Kamal Kharmach pense que les autorités marocaines «doivent promouvoir davantage la culture du pays dans les pays d’accueil, surtout que beaucoup de gens continuent d’associer le fait d’être Marocain à une culture de la rue». «Il faut expliquer ce que signifie d’être Marocain dans un autre pays, d’avoir deux identités et ce que cela implique», suggère-t-il.
«Je suis père d’une enfant. Les jeunes d’hier doivent donc expliquer aujourd’hui à leurs enfants ce que signifie d’être Marocain. Avant, pour mes parents, la réponse était évidente car ils venaient du Maroc. Maintenant, c’est à moi de transmettre cet héritage. Si je ne sais pas ce que cela veut dire, mes enfants risquent d’oublier le Maroc», conclut-il.