Alors qu’une étude réalisée par l’agence de voyages en ligne eDreams (eDreams.fr) a dévoilé il y a deux jours la troisième place du Maroc en tant que destinations favorites des français pour l’été 2012, France 2 vient de la prendre à contrepied en diffusant, dans la soirée d’hier, une enquête «d’Envoyé Spécial» pour le moins compromettante pour l’image du secteur touristique marocain.
L’hôtellerie marocaine mise à l’amende
Tout commence avec Bernard Pichon, un journaliste français spécialisé dans le tourisme qui, à la demande de la rédaction de la chaine, se rend au Maroc pour tester un séjour à Agadir acheté sur internet. Il s’agit d’un séjour dans un hôtel trois étoiles moderne incluant piscine, climatisation et restaurant panoramique. Réservé sur le site Opodo pour un montant total de 332 € (comprenant le séjour et les vols allers-retours), ce séjour paraît de prime abord alléchant. Et pourtant ! A peine arrivée sur place que le journaliste est déjà confronté à une première désillusion : en effet, l’hôtel, que le descriptif du site web plaçait en plein cœur d’une «zone touristique», est en fait entouré par une jungle de béton «loin de l’image balnéaire que l’on se fait du Maroc». Et les mauvaises surprises ne s’arrêtent pas là. A l’intérieur, le «jardin marocain», inexistant, se limite à un simple carré de verdure qui sert pour l’hôtel de débarras à ciel ouvert.
Dans sa chambre, qui lui offre une «vue plongeante sur la route», les constats du journaliste ne sont guère plus reluisants : décor minimaliste, absence de climatisation (pourtant spécifiée dans le descriptif du site web), fenêtre qui refuse de s’ouvrir, hygiène plus que douteuse, fils électriques apparents… les détails rédhibitoires s’amoncellent à mesure qu’il devise d’une pièce à une autre. Sérieusement échaudé, la frustration de M. Pichon n’atteint cependant son point d’acmé qu’au restaurant : entre un choix de plats bas de gamme et un choix «entre pastèque, pastèque et pastèque au dessert», pour le journaliste, la coupe est pleine. Furibard, il lâche: «là, c’est carrément de l’arnaque».
Escroqueries à Marrakech
Si l’histoire de M. Pichon ne suffit pas à jeter un discrédit suffisamment lourd sur le secteur de l’hôtellerie marocaine, l’histoire d’Annie, diffusée un peu plus tard dans le reportage d’Envoyé Spécial, finit d’en exacerber la portée.
Retraitée de 70 ans, Annie ne rêve que d’une chose : voyager. C’est pourquoi, quand elle reçoit un appel l’informant qu’elle a remporté un voyage pour deux personnes à Marrakech il y a quelques mois, Annie n’hésite pas une seule seconde et saute dans l’avion. Malheureusement pour elle, il s’agit d’un traquenard, le but de son déplacement étant de réussir à la persuader de s’acquitter des 7000 € requis pour adhérer à un groupe douteux : «le Club Class Concierge». A son arrivée sur place, Annie est accostée par des commerciaux marocains qui ne tardent pas à la convaincre de payer cette somme. Ne flairant pas la supercherie, la française s’exécute. Elle ne tarde pas à découvrir le pot aux roses : il ne s’agit que d’une escroquerie, l’accès à ce club ne donnant pas plus de privilèges à ces membres que l'octroi de salamalecs sans pots-de-vin à un fonctionnaire marocain.
Effets délétères de ces histoires sur l’image du tourisme marocain
Bien que véridiques, ces deux histoires, narrées de façon consécutives dans le reportage d’Envoyé Spécial, déplacent malencontreusement l’objectif des projecteurs sur les tares affectant le secteur du tourisme marocain. Insidieusement, et par la juxtaposition de la narration des récits, le reportage de France 2 positionne le curseur de la critique sur l’hôtellerie et le tourisme marocain, et non sur les dangers de la réservation en ligne, qui, faut-il le rappeler, constituent l’objectif premier du travail d’investigation menée dans ce reportage. Il est probable que si le Maroc a été choisie comme toile de fond pour le récit de ces deux enquêtes, c’est aussi bien pour des raisons de commodité (liée à sa proximité géographique de la France) que pour des raisons objectives (liées à l’illustration des allégations formulées dans le reportage). Il importe toutefois de rappeler que si ce reportage est censé nous prémunir contre les pratiques frauduleuses sur le web, il est tout aussi important de se prémunir contre les amalgames qui pourraient laisser penser que le tourisme au Maroc n’est que fraude, incurie et escroquerie.