En France tout comme en Europe, des sanctions pour blanchiment d’argent ou financement du terrorisme se sont multipliées ces derniers mois. Si l’Hexagone semble déterminé à lutter contre ce type de fraudes, sa riposte pourra bientôt s’étendre en dehors des frontières. Pour l’instant, la majorité des contrôles se concentrent en France. Cependant, quelques cas qui se comptent sur les bouts des doigts impliqueraient le Maroc.
Selon des informations parvenues à Yabiladi, des banques françaises auraient déjà adressé des demandes d’explications à leurs clients pour des retraits effectués au Maroc ou des virements depuis des comptes basés en France. «Au départ, la banque m’a demandé des justificatifs pour des transferts d’argent réguliers de la France vers le Maroc, mais pas dans le sens inverse», nous confie un entrepreneur franco-marocain. Organisateur d’événements, à la tête d’une société d’import-export, il rappelle avoir expliqué à sa banque qu’il s’agit de transferts effectués dans le but de payer les factures de ses fournisseurs marocains. «La banque m’a demandé ensuite de justifier ces paiements», ajoute-t-il.
Si le Franco-marocain est parvenu à convaincre sa banque, son épouse n’a pas été aussi chanceuse. «Le compte de ma femme a été fermé car elle avait fait un ou deux retraits au Maroc. Sa banque a décidé de résilier le contrat», témoigne-t-il, en expliquant qu’un conseiller lui a confié que «les banques préviennent la direction du GAFI (Groupe d'action financière, organe de l’OCDE, ndlr) depuis février et que cela été récemment mis en place». «Dès qu’on suspecte une fraude, on résilie automatiquement les comptes, m’a expliqué le banquier en ajoutant que c’est le siège national de la banque qui a pris la décision», ajoute-t-il.
Pour l'entrepreneur MRE, même les comptables travaillant avec des entreprises effectuant des transactions entre le Maroc et la France ont été appelés à plus de vigilance. «Mon comptable en France m’a annoncé qu’ils ont eux aussi reçu une directive qui les appelle, en cas de doute, à résilier les comptes comptables», déclare-t-il. «Je pense qu’ils sont passés à l’action et ça s’accentue. Mon banquier m’a confié qu’ils contrôlent automatiquement tous les comptes où il y a une sortie d’argent avec une carte bancaire à l’étranger. En cas de renvoi régulier d’argent, un MRE serait donc appelé à justifier ses transactions», conclut-il.
Yabiladi a interrogé plusieurs MRE se trouvant actuellement au Maroc ou en France, s’ils ont reçu des demandes d’explication de leurs banques après des transactions effectuées au bled. La majorité ne sont pas au courant et n’ont pas reçu de lettres de leurs banques.
Les banques renforcent le contrôle pour éviter les sanctions
«La question est liée à une recrudescence de sanctions en France, par rapport aux règles de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme», confirme pour sa part Me Mehdi Hazguer, avocat au Barreau de Paris et titulaire du diplôme de juriste conseil d'entreprise (DJCE). «Les instances administratives sanctionnent de plus en plus les banques pour des défauts de vigilance», rappelle-t-il.
«Il faut comprendre que les banques sont, en effet, soumises à des obligations de vigilance et de contrôle. Des contrôles sont de plus en plus fréquents sur les opérations dites «anonymes», qui nécessitent l’usage et l’utilisation de sommes en liquide. Un individu qui va retirer de son compte une somme d’argent importante au Maroc avec une carte française pourra éveiller des soupçons des banques en France. Il y a donc de plus en plus de questions.»
Pour l’avocat spécialisé des affaires franco-marocaines, il y a des cas de plus en plus fréquents même en France. «Suite à une opération de retrait d’une somme d’argent importante à Paris, la banque peut interroger son client et demander une facture ou un justificatif», explique-t-il.
Il rappelle, dans ce sens, que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a multiplié les sanctions ces dernières années. «Rien qu’en mai, elle a condamné la société Cardif Assurance-vie, filiale de BNP Paribas Cardif, à 2,5 millions d’euros d’amende pour manquements au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) et du gel des avoirs», rapporte l’avocat. Celui-ci explique que les banques, «afin d’éviter d’être sanctionnées, instaurent des règles en interne pour demander aux conseillers de rester vigilants avec ce genre d’opération». «Lorsque la personne se justifie auprès de sa banque, celle-ci obtempère mais elle est obligée de poser la question», conclut-il.
A rappeler que le GAFI, dont le secrétariat est installé à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a décidé, le 25 février dernier, de mettre le Maroc dans la liste grise des pays «sous surveillance accrue».