Saisi sur la constitutionnalité de sept dispositions de la loi confortant le respect des principes de la République, dite loi sur le séparatisme, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision, ce vendredi. En substance, il censure deux textes et une partie de l’article 16, assortit des réserves sur deux et valide totalement trois, ainsi qu’une autre partie du même article. L’institution n’a statué que sur les passages au sujet desquels des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ont jusque-là été formulées. Le reste des 103 articles que compte au total cette loi peuvent toujours faire l’objet de la même procédure de contrôle.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a censuré «les troisième et quatrième alinéas du 3° du paragraphe I de l’article 16». Celui-ci est relatif à la suspension des activités associatives dont l’organisme est soumis à une procédure de dissolution, sachant que cette dernière est susceptible de prendre jusqu’à six mois. Pour les juges, «le législateur a porté à la liberté d’association une atteinte qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée». Une censure totale a été décidée concernant les articles 26 et 90, estimés entièrement contraires à la constitution.
Les refus et retraits de titres de séjour jugés anticonstitutionnels
Le premier est relatif au refus de délivrance ou de renouvellement des titres de séjour aux étrangers, ou le retrait de ce titre, en cas de manifestation de rejet des principes républicains. Dans leur avis, les juges ont considéré que les termes du projet de loi ne pouvaient pas laisser «déterminer avec suffisamment de précision les comportements justifiant» de telles mesures. De plus, cette disposition «modifie plusieurs articles du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de subordonner le séjour d’un étranger en France à l’absence de manifestation» de ce rejet.
Par ailleurs, l’article 90 «précise que les groupes de travail des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance peuvent traiter de questions relatives à la prévention de la récidive et aux actions de prévention de la radicalisation». Ces dispositions «ne présentent pas de lien, même indirect, avec les articles 4 et 20 du projet de loi initial portant respectivement sur la création d’une nouvelle infraction visant à protéger les agents chargés du service public face à certains agissements et sur l’application des procédures de comparution immédiate ou à délai différé à certains délits de presse», soulignent les magistrats. Pour eux, «adoptées selon une procédure contraire à la Constitution», ces dispositions «lui sont donc contraires».
Des réserves sur le principe d«’engagement républicain»
L’article 12, dans ce texte, «insère au sein de la loi du 12 avril 2000 un article 10-1 prévoyant que toute association ou fondation sollicitant l’octroi d’une subvention publique doit souscrire un contrat d’engagement républicain». «Les dispositions contestées prévoient que, en cas de manquement au contrat d’engagement, il est procédé au retrait de la subvention publique (…) Toutefois, ce retrait ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’association, conduire à la restitution de sommes versées au titre d’une période antérieure au manquement», indique la Cour constitutionnelle, qui émet des réserves à ce titre.
Quant à l’article 49 sur l’interdiction de l’école à la maison, ses dispositions ont été assouplies mais il n’a pas été considéré contraire à la constitution. Le texte prévoit que l’instruction est justifiée par «l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif». Pour le conseil, cette disposition n’a «ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté de conscience ou d’opinion des personnes qui présentent un projet d’instruction en famille». Cependant, les juges ont averti sur la mise en œuvre des critères permettant cette forme d’apprentissage et qui doit impérativement exclure «toute discrimination de quelque nature que ce soit».
Les dispositions entièrement conformes à la constitution portent sur des alinéas des articles 9, 15, 16 et 36. D’autres textes figurant dans cette loi ont défrayé la chronique ces derniers mois, mais n’ont pas pour l’heure fait l’objet d’une saisine. Parmi eux figurent des dispositions relatives à la transparence des cultes et de leur financement, au renforcement de l’interdiction de la polygamie et des mariages forcés, ou encore à la neutralité du service public et la lutte contre la haine en ligne.