Les textes législatifs et réglementaires garantissant aux 15 ans et plus un accès équitable et sans restriction aux soins de santé sexuelle et reproductive, ainsi qu’à des informations et une éducation dans ce domaine restent le grand absent au Maroc. Ce vide fait particulièrement défaut à la sensibilisation des femmes et des filles sur leur propre corps, sa santé et les moyens de se l’approprier ou de le protéger dès le jeune âge.
Dans son récent rapport «Mon Corps M’Appartient : Etat de la population mondiale 2021», le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) classifie les pays en fonction de plusieurs critères en la matière, montrant que le royaume ne fait pas partie de ceux où cette éducation est intégrée aux domaines de la santé ou de l’enseignement.
Des avancées au niveau de la santé sexuelle et reproductive
Si l’éducation sexuelle connaît un grand vide au Maroc, les données nationales sont meilleures en termes de santé reproductive. Ainsi, le ratio de mortalité maternelle indiquant le nombre de décès pour 100 000 naissances vivantes est de 70 en 2017. De 2014 à 2019, les naissances assistées par un professionnel de santé qualifié, ont atteint 87%. En 2018, le nombre de nouvelles infections au VIH a été de 0,03 pour 1 000 personnes séronégatives.
Les derniers chiffres de 2021 indiquent que le taux de recours à la contraception chez les femmes en âge de procréer (de 15 à 49 ans), utilisant toutes les méthodes confondues, est de 43%. Au sein des femmes mariées ou en concubinage uniquement, ce pourcentage atteint 71%. Les méthodes modernes restent globalement moins accessibles, étant utilisées par 37% des femmes de manière générale et par 61% de celles mariées ou en concubinage.
Aussi, les besoins de planification familiale ont été insatisfaits chez 7% des femmes âgées de 15 à 49 généralement et chez 11% de celles mariées ou en concubinage. Par ailleurs, la proportion de besoins satisfaits par des méthodes modernes a été de 74%. D’autres indicateurs montrent que les cas de mariage d’enfants avant l’âge de 18 ans ont représenté 14% des mariages de 2005 à 2019.
Mais les données officielles concernant la prise de décisions par les femmes en termes de santé sexuelle et reproductive et aux droits en matière de reproduction, en pourcentage de 2007 à 2018, n’existent pas. Aussi, les lois et réglementations garantissant l’accès aux soins, à l’information et à l’éducation en matière de sexualité et de reproduction ne soutiennent pas encore assez les pratiques.
Dans ce sens, c’est pour la première fois qu’un rapport des Nations unies s’intéresse particulièrement à l’autonomie corporelle, qui constitue «le pouvoir et le libre arbitre de faire des choix concernant [le] corps [des femmes], sans crainte de violence ou sans que quelqu’un d’autre décide à [leur] place».
Une autonomisation par la sensibilisation sur la santé des femmes
Contrairement aux idées reçues qui associent l’éducation sexuelle à la promotion de la pratique sexuelle en elle-même, le rapport indique que l’importance de ce volet réside en sa capacité à donner aux femmes et aux filles les moyens de mieux comprendre le fonctionnement de leurs corps. Une éducation sexuelle et reproductive permet aussi aux femmes et aux filles de reconnaître dans quels cas il est nécessaire, voire urgent, de faire une consultation médicale pour protéger sa santé, mais aussi de mieux distinguer les situations d’abus et de non-consentement. Ce chantier de travail fait défaut dans de nombreux pays à travers le monde, selon le rapport, y compris les Etats arabes comme l’Algérie, Djibouti, l’Egypte, le Yémen, l’Irak, la Syrie, la Palestine, la Lybie, Oman et la Somalie.
«Dans la mesure où l’autonomie et l’intégrité corporelles influencent de nombreux aspects relatifs à la santé et à la conduite d’une vie digne et décente, les progrès en la matière permettront non seulement de parvenir à une meilleure santé sexuelle et reproductive et à l’atteinte du cinquième objectif de développement durable sur l’égalité des sexes, mais aussi de réaliser de nombreux autres objectifs de développement durable, notamment ceux liés à la promotion de la santé, à la réduction des inégalités et à l’élimination de la pauvreté», indique le rapport.
Dans cet esprit, il est aussi préconisé de «supprimer les obstacles entravant la prise de décision individuelle», pour un meilleur respect du droit à «l’autonomie corporelle et à l’intégrité physique». «Les gouvernements doivent veiller à ce que leurs lois, leurs politiques et leurs programmes ne portent pas atteinte à la capacité des individus à prendre des décisions concernant leur vie sexuelle et reproductive», recommande le rapport, indiquant que «ceci suppose de supprimer les obstacles entravant l’accès aux services, aux produits, à l’éducation et aux informations en matière de santé sexuelle et reproductive».
Il s’agit également de décriminaliser l’avortement réalisé par décision de la femme ou de la fille concernée, tout en veillant à le distinguer des pratiques de contraception imposée et réalisées sous la contrainte, mais qui ne sont pas encore reconnues comme une forme de violence au regard des lois de beaucoup de pays. Le rapport appelle aussi les gouvernement à «ne pas s’ingérer dans la ‘sexualité consentante, en privé’».
Selon le rapport, le manque d’autonomie corporelle a «des implications massives au-delà des préjudices profonds pour les femmes et les filles à titre individuel». Ses retombées détendent sur d’autres domaine de la vie en société, à travers la «diminution des compétences et les coûts supplémentaires pour les soins de santé et les systèmes judiciaires».