Yabiladi : A quel moment avez-vous décidé de vous porter candidat pour les Législatives ?
Pouria Amirshahi : A partir de 2009, lorsque les 11 circonscriptions pour les Français établis hors de France ont été créées. Depuis 2008, je suis secrétaire national du Parti socialiste à la Coopération, à la Francophonie et aux droits de l’Homme et cette fonction m’a amené à faire beaucoup d’allers-retours dans de nombreux pays africains pour rencontrer mes compatriotes et la société civile. C’est à ce moment là que j’ai proposé ma candidature. Nos compatriotes sont 2.5 millions dans le monde et 140 000 sur cette circonscription. Je voulais représenter tous ces gens parce qu’ils rencontrent dans leur vie quotidienne des difficultés et qu’ils vivent loin du cliché selon lequel les Français expatriés se la coulent douce sous les cocotiers.
Yabiladi : La scolarité fait justement partie de l’une de ces difficultés rencontrées. On a vu que Nicolas Sarkozy a en partie tenu ses promesses avec la gratuité du lycée…
PA : Je tiens à signaler que Sarkozy n’a rien tenu du tout. Il a inventé un concept qui est tout de même incroyable et c’est la gratuité la plus chère du monde ! Il a fait croire à tout le monde qu’il y aurait la gratuité alors qu’elle ne concerne au final que 2% des élèves français dans le monde. Par effet domino, les frais de scolarité dans les cycles inférieurs ont atteint des sommets, qu'une école privée ne pratique pas en France. Le Maroc et l’Algérie sont les plus chers de la circonscription. En Algérie, les frais de scolarité peuvent atteindre les 550 euros par mois et par enfant.
Yabiladi : Que comptez-vous faire alors pour baisser ces frais de scolarité ?
PA : Première mesure : on va affecter les 37 millions de la PEC, c’est-à-dire la Prise En Charge qui sert soi-disant à la gratuité, pour augmenter le nombre de bourse. On compte également relever le plafond des revenus éligibles aux bourses pour que les classes, pas seulement modestes mais aussi moyennes, puissent avoir accès aux bourses, et augmenter le volume des bourses qui seront accordées. Ensuite il faut stopper la hausse des frais d’inscription et engager dans les 2 ou 3 ans à venir une baisse des frais d’inscription annuelle.
Je veux également que les nationaux de chaque pays, puissent avoir accès à l’école française qui est une chance pour les deux pays. Il faut certes encore en déterminer les conditions, mais on ne peut pas d’un côté dire «on va faire l’UPM» et de l’autre dire «oui mais on ne veut pas de vous» ! On ne peut pas dire d’un côté, «on fait de la coopération» et faire la circulaire Guéant de l’autre. D’ailleurs, je tiens à insister sur le fait que l’on abrogera cette circulaire dans les 100 premiers jours du mandat de François Hollande.
Yabiladi : La moitié des 44 000 Français établis au Maroc sont des binationaux. Il y a plusieurs semaines de cela, Yabiladi a fait un article (cf article) dévoilant qu’une école de la mission française avait accusé les enfants binationaux de faire baisser le niveau des classes. Des remarques qui nous rappellent celles du camp Le Pen….
PA : Déjà, il faut rappeler que c’est Pierre Mauroy qui a mis fin en 1981 au fichage des nationaux et binationaux. Pour nous, tous les Français, quelque soit leur origine sont des Français à part entière et pas des Français à part. Durant ces 5 dernières années, il y a eu une stigmatisation permanente des compatriotes, qui avait une double-nationalité. Ca a commencé avec le débat sur l’identité nationale, ça a fini avec un débat hallucinant sur la viande halal, en passant par le discours de Dakar sur l’homme africain qui n’est pas rentré dans l’histoire et la différence de valeurs entre civilisation. Il faut vite tourner cette page-là. C’est une question de salubrité publique. La France, ce n’est pas ça. Et le discours qui a été véhiculé depuis de nombreuses années, c’est du copié-collé de celui de l’extrême droite. On est Français, un point c’est tout. Donc à ce titre, égalité de droit, égalité de devoir pour tous. Ca ne se discute pas une seule seconde. A partir de là, tout en découle. Accès à la scolarité, à la CFE, accès pour les conjoints à la nationalité etc…
Yabiladi : vous venez de mentionner la CFE, elle reste très chère pour les Français expatriés...
PA : Effectivement et c’est un vrai scandale ! Aujourd’hui, seulement 3% des Français expatriés adhèrent à la Caisse des Français de l’Etranger. Il y a des réserves à la CFE et ce que je compte faire est de les ponctionner pour faire baisser les tarifs. Je me suis également engagé à instaurer un tarif pour les couples. Enfin, je souhaite mener une réforme structurelle de la CFE, pour l’affilier à un grand réseau mondial d’assurance, que je souhaite mutualiste pour des raisons de valeurs, de manière à ce qu’on puisse non seulement faire baisser les prix et augmenter le nombre d’adhérents.
Yabiladi : Prévoyez-vous dans votre programme des mesures spéciales pour les pères de famille qui ont travaillé toute leur vie en France et qui ont décidé de rentrer vivre au Maghreb pour leur retraite ?
PA : Ma proposition ne concerne pas seulement ces retraités mais tous les expatriés. Ce qu’il faut faire c’est améliorer le dispositif d’accueil. Une fois arrivés dans tel pays, ces expatriés sont complètement perdus. Ensuite pour le cas de ces retraités, il faut défendre les petites retraites pour que les gens qui ont cotisé toute leur vie ne soient pas amputés d’un seul centime de leur pension. Après, le principe de la retraite, c’est de faire ce que vous voulez de votre vie et heureusement ! Que vous alliez à Tombouctou, à Marrakech, Alger ou à Marseille, vous êtes pleinement en droit de recevoir votre pension de retraite où que vous soyez.
Yabiladi : Si vous êtes élu député, quel sera votre position sur le Sahara, tout en sachant que vous serez également élu pour l’Algérie ?
PA : Sur la question du Sahara, je considère et je l’ai d’ailleurs dit en Algérie, et j’ai assumé mes déclarations, que le plan d’autonomie proposé par le Maroc est une solution acceptable. C’est une base de discussion. Cette proposition est crédible, sérieuse et est une avancée pour celles et ceux qui vivent au Sahara et qui souhaitent avoir plus de pouvoir dans la gestion de leur vie. L’enjeu de tout ça et c’est le principal, c’est de permettre la libre circulation entre l’Algérie et le Maroc pour à terme mieux faire face à la mondialisation et renforcer la coopération entre l’UE et l’Afrique.
Pouria Amirshahi, candidat PS aux législatives s'exprime sur le regroupement familial et les visas