Après neuf ans de combat juridique, une terre collective héritée de père en fils au sein de la famille Makcharrad a été restituée aux cinq frères à qui revient la propriété, dans le village de Dkhissa, près de Meknès. Vivant à Montpellier, Jamal Makcharrad a fait part ce jeudi à Yabiladi de son soulagement, se félicitant que ce procès et son issue «donnent de l’espoir et malgré un long processus on peut obtenir justice et récupérer ses biens spoliés au Maroc, lorsqu’on vit à l’étranger».
«La décision a été rendue sur avis de la Cour de cassation. Dans le détail, le dossier examiné par la haute juridiction a été retourné à la Cour d’appel de Meknès, avec l’ordre de réviser son verdict en faveur de la famille plaignante.»
Pour cause, «tous les éléments fournis par la famille lésée prouvent que ce terrain lui revient bel et bien, d’où un jugement favorable en première instance». C’était sans compter sur le recours en appel de la défense, qui, selon Jamal Makcharrad, a fourni «de faux témoignages et aucun document officiel attestant de la légitimité de sa propriété». Confronté à «une personne influente et proche de milieux haut placés», les plaignants perdront en appel, à leur grande surprise, malgré les preuves de leur affiliation à la tribu des ayants droit.
Après un pourvoi en cassation, ce verdict a été considéré comme nul et non avenu, enclenchant le renvoi du dossier en appel pour un jugement favorable à la famille. Mais il sera de nouveau contesté par le faux acheteur, qui finalement n’obtiendra pas gain de cause. A ce stade, Jamal Makcharrad compte sur ce dernier verdict pour titrer le bien cette fois-ci comme propriété de la famille.
«Les terres collectives n’existent plus dans notre région à Dkhissa, où le titre foncier était donc collectif au nom de la tribu. Nous espérons que ce jugement appuiera notre dossier d’enregistrement de la parcelle en notre nom.»
Un espoir pour les familles dépossédées de leurs terres héritées
La requête formulée par la famille Makcharad et pour laquelle elle a obtenu gain de cause ne prévoit aucun dédommagement matériel, à part la restitution du bien spolié. «Nous n’attendions ni dommages ni intérêts ; nous avons simplement demandé que la terre qui nous a été injustement prise nous revienne par la force de la justice, surtout qu’elle est proche du cimetière où notre père a été inhumé», a confié Jamal à Yabiladi. Si cela a été rendu possible, l’héritier entend que «d’autres dossiers similaires trainent depuis plus longtemps» et qu’entre temps, certains ayants droit sont décédés sans obtenir justice.
«Malgré la longue procédure, notre terre nous a été rendue, mais c’était aussi grâce au soutien de l’association CapSUD MRE qui nous appuyés dès le début et le relais médiatique de l’affaire», nous confie encore le MRE. Il tient compte également «de la patience et du coût en termes de budget que cela nécessite, entre les frais d’avion, les frais de dossier et d’autres dépenses rattachées», ainsi que le poids psychologique que cela représente pour les familles spoliées. «Toutes les fois où je me suis rendu au tribunal, j’ai réalisé comment de nombreuses personnes profitent de l’absence de Marocains résidents à l’étranger pour s’accaparer leurs terres», regrette-il, souhaitant que les dossiers en suspens connaissent la même issue que le sien.
«Lorsque nos parents investissent dans un terrain ou un bien immobilier, ils mettent tout leur argent en rêvant un jour de retourner à leur terre natale et passer une retraite paisible auprès des leurs. Des gens ont travaillé toute leur vie en portant le pays dans leur cœur, mais réalisent au final que leur bien ne leur appartient plus.»
En découvrant s’être fait spolier, Jamal et ses frères ne savaient d’ailleurs pas l’identité de celui qui s’est fait passer pour un acheteur du terrain hérité. «C’est l’enquête de la gendarmerie qui nous a permis d’identifier une personne qui n’appartient ni aux tribus de Dkhissa, ni à leurs héritiers», rappelle-t-il.