La vague de migration irrégulière depuis la région orientale semble s’amplifier, notamment en raison des difficultés économiques conjuguée à une pandémie qui dure depuis un an. La semaine dernière, le naufrage d’une embarcation au large de l’Algérie a provoqué la mort de quatre jeunes hommes originaires de la ville d'Oujda ou des villes voisines. Ils tentaient, avec des jeunes algériens, de gagner la côte espagnole.
Ce drame a d’ailleurs fait l’objet d’une question écrite, adressée par le parlementaire de Groupe istiqlalien de l'unité et de l'égalitarisme Omar Hjira, au ministre du Travail et de l’insertion professionnelle, Mohamed Amekraz, en début de semaine. Dans sa lettre, l’élu a ainsi alerté sur «l’augmentation significative du taux de chômage» dans la région de l’Oriental, évoquant l'émergence d'une «nouvelle vague d'émigration irrégulière qui a fait de nombreuses victimes parmi les jeunes».
«Nous avons demandé, il y a trois ans déjà, au chef du gouvernement de nous rencontrer pour discuter des problèmes sociaux dans la région de l’Oriental. Malheureusement, jusqu'à aujourd'hui, aucune réponse n’a été apportée à notre demande», explique Omar Hjira. Contacté par Yabiladi, l’élu et maire de la ville rappelle que «les régions frontalières, avant même la pandémie, connaissaient des contraintes économiques, et un taux de chômage élevé».
Les régions frontalières frappées de plein fouet par la crise
«Nous avons demandé de créer des unités industrielles car nous avons toutes les qualifications dans la région pour attirer les investissements. Malheureusement, il n’y a pas eu d’effort complémentaire du gouvernement pour encourager les investisseurs à venir dans la région. Nous sommes loin du centre et les investisseurs doivent donc être encouragés», reconnaît-il.
«Dernièrement, la situation s'est encore aggravée avec la pandémie du Coronavirus. Aujourd'hui, nous ne recherchons pas un développement lié à la géographie, c'est-à-dire aux frontières. Notre souci est d’apporter des investissements nationaux qui créent des emplois et réduisent les taux de chômage supérieurs à 20%. C’est ce qui pousse les jeunes à migrer de manière irrégulière.»
Pour l’élu de l’Istiqlal et maire de la ville, «le gouvernement doit s’occuper de ce problème que nous soulevons depuis des années. Les yeux sont rivés sur le port de Nador et la dynamique qui va se créer dans la région mais ces familles et ces jeunes ne peuvent pas attendre».
La section de l'Association marocaine des droits humains dans la région de l’Oriental confirme ce constat. «L’économie des zones frontalières en général, de Figuig à Saïdia, dépendait de la contrebande. Ainsi, après le resserrement des frontières, un grand nombre de citoyens de l’Oriental se sont retrouvés sans source de revenus», rappelle Seddik Kebbouri, membre de l’AMDH. «La région connaît un taux de chômage élevé. De plus, le taux de criminalité a augmenté, tout comme le nombre de personnes pratiquant la mendicité», regrette-t-il.
Une route migratoire depuis l’Algérie
Cette situation socio-économique, exaspérée par la pandémie, a ainsi «poussé un grand nombre de jeunes à penser à migrer vers le paradis européen». Cependant, pour contourner la route de Tanger et la Méditerranée occidentale, ces jeunes optent aussi pour l’Algérie. «De là, ils tentent d’immigrer irrégulièrement vers l'Europe avec l'aide de passeurs», ajoute l’associatif.
Et le phénomène ne semble pas être nouveau. En effet, selon Seddik Kebbouri, l’ONG a précédemment soulevé la question l'été dernier, lorsqu'un groupe de jeunes hommes s’est retrouvé détenus dans un centre du Croissant-Rouge algérien. «Nous avons appelé le ministère des Affaires étrangères pour intervenir et faciliter leur retour», rappelle notre interlocuteur.
«Le nombre de personnes souhaitant immigrer a considérablement augmenté, en particulier avec la pandémie de la Covid-19. Après cet événement tragique, où des jeunes originaire de la région ont péri au large de l’Algérie, un sit-in a été organisé samedi dernier, Place du 16 août, pour appeler à la fin de cette tragédie et la fourniture d'alternatives économiques.»
L’associatif rapporte aussi que les manifestants ont insisté sur la nécessité d'adopter une approche «humaine et sociale qui réponde aux demandes de la population, notamment au regard de la fermeture des frontières et de la pandémie qui a touché tout le monde». «Le gouvernement doit réagir, car la situation dans l’Oriental est très sérieuse et il faut penser à des solutions, car le problème s'aggrave d'année en année», met-il en garde avant de rappeler que certains phénomènes révélateurs, qui deviennent «fortement présents dans la région, comme le vol, la mendicité et le suicide».