Cette semaine, les poivrons marocains destinés à l’exportation et connus pour leur grande qualité nutritionnelle ont été saisis du marché allemand, pour leur teneur en résidu de pesticides nettement supérieure aux limites maximales définies par les partenaires européens. Un épisode qui risque de porter préjudice aux exportations marocaines, fortement prisées par les pays de l’Union européenne (UE), si la sécurité sanitaire est prise à défaut.
En effet, la raison invoquée de ce retrait a été la présence élevée de la concentration du méthiocarbe (1 233%), un actif chimique présent dans les pesticides utilisés au Maroc pour traiter les poivrons, les courgettes ou encore les tomates. L'autorisation d’utilisation de cette substance a été retirée au niveau de l’UE par décision de la Commission européenne en 2019, avec un délai d’application arrivé à échéance en 2020.
L’étau se resserre sur le méthiocarbe et le glyphosate, très utilisés au Maroc
Ces considérations permettent de mieux comprendre le contexte du retrait des lots de productions marocaines. Elles peuvent susciter surtout des interrogations sur la perception de la qualité nutritionnelle et sanitaire de produits agricoles du Maroc, vendus comme regorgeant de soleil et riches en anti-oxydants, mais susceptibles de contenir surtout des substances très dangereuses pour l’organisme humain.
En effet, le méthiocarbe a été classé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme étant un actif «hautement dangereux», dans l’édition 2019 de la Classification recommandée des pesticides en fonction des dangers qu’ils présentent. D’ailleurs, la Commission européenne a appliqué le non-renouvellement de l’approbation de cette substance, conformément au règlement 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, peu après l’avis de l’institution onusienne.
Corroborant les raisons invoquées par l’OMS, la CE a indiqué que le méthiocarbe était tout autant préjudiciable à la santé des ouvriers agricoles «en lien avec le chargement et le semis des semences traitées». Il a aussi des conséquences sur l’environnement, en particulier «les oiseaux, les mammifères sauvages et les vers de terre associés aux semences traitées».
De plus en plus d’Etats de l’UE renforcent les lois contre l’utilisation de certaines substances dans le traitement des récoltes de fruits et de légumes, ce qui a été le cas aussi au Luxembourg. En 2020, l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate a été supprimée, faisant du pays le premier en Europe à adopter une interdiction complète de cet herbicide, dans le cadre de son plan agricole et sanitaire de sortie de l’utilisation de la substance.
La démarche a été perçue comme positive auprès des chercheurs, associatifs et juridictions qui soutiennent que le glyphosate est de plus en plus mis en cause dans le développement rapide de maladies cancéreuses. Cependant, elle pose là aussi la question sur le devenir des exportations des pays hors-Union européenne qui n’ont pas harmonisé leur réglementation nationale, de manière à ce que leurs cargaisons répondent aux nouvelles exigences sanitaires.
Une réglementation accélérée par des motifs économiques plus que sanitaires ?
C’est le cas du Maroc, dont les exportations agricoles à destination de l’Europe ne tiennent pas compte de cette restriction. Dans l'UE, les réglementations régionales en matière de contrôle sur les pesticides ont précédemment donné lieu à des blocages d’importation de fruits et de légumes, si ces derniers proviennent de pays qui ne suivent pas les mêmes normes. «C’est notamment le cas de l’Egypte», a rappelé à Yabiladi Faïçal Ouchen, secrétaire général du Syndicat national des paysans au Maroc, en évoquant «des cargaisons refusées aux portes de l’Europe à cause des produits phytosanitaires».
Pourtant, le Maroc continue non seulement d’utiliser les produits à base de substances visées par des restrictions en Europe, mais il fait aussi partie des principaux pays importateurs de pesticides européens, paradoxalement interdits d’utilisation au niveau de l’UE. A la fin de l’année 2020, une enquête de Public Eye et Greenpeace Unearthed a révélé que le royaume était un client privilégié d’entreprises espagnoles, belges et italiennes, auprès desquelles il s’approvisionne en produits à forte concentration en dichloropropène.
Au lendemain de ces révélations, l’Office national de sécurité et de santé alimentaire (ONSSA) au Maroc a indiqué travailler sur le réexamen de sa liste d’intrants chimiques autorisés d’utilisation dans le pays, au cours de l’année 2021. Si cette révision devrait avoir un impact positif sur la santé des consommateurs, la démarche visera surtout à combler les déphasages avec la réglementation des partenaires économiques régionaux.