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Trente ans après la mort de Franco, l'Espagne reste divisée par son histoire
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21 novembre 2005 09:44
Trente ans après la mort de Franco, l'Espagne reste divisée par son histoire

LEMONDE.FR | 20.11.05 | 08h45 • Mis à jour le 20.11.05 | 08h45

Trente ans après la mort de Francisco Franco, survenue le 20 novembre 1975, l'Espagne a enseveli la dictature dans un oubli assumé par les institutions et une grande partie des Espagnols, qui préfèrent ne pas rouvrir les blessures du passé. L'occasion n'a donné lieu à aucun acte officiel pour rappeler les victimes de la guerre civile (1936-1939) puis de la dictature.

Mais la société espagnole reste divisée en profondeur sur la compréhension de cette période. Pour ne pas faire tomber le pays dans la guerre civile, la transition démocratique s'est réalisée sans travail de mémoire et, depuis 1975, aucun gouvernement ne s'est penché sur ce passé douloureux.

Quelques responsables du Parti populaire, de l'ancien président du gouvernement José Maria Aznar, étaient des acteurs importants du régime franquiste, comme Manuel Fraga, président de la région Galice jusqu'en 2004, et ancien ministre du "généralissime".
Cette année encore, les nostalgiques du franquisme ont multiplié les manifestations. Une marche de protestation contre un projet de modification du statut de la Catalogne a rassemblé, samedi 20 novembre, à la mi-journée skinheads et dames bien mises. Scandant des slogans franquistes, ils ont dénoncé ce qu'ils considèrent comme une menace pour l'unité espagnole. Par ailleurs une messe à la mémoire du "generalissime" et des victimes de la guerre civile de 1936-1939 a rassemblé des milliers de sympathisants de droite dans la Valle de los Caidos (Vallée des Morts), à une cinquantaine de kilomètres au nord de Madrid, où Franco repose dans un imposant mausolée.

Le monument, couronné d'une grande croix de pierre, a été érigé sous la contrainte par des prisonniers républicains sous le régime de Franco, qui a duré près de quarante ans. La fille de Franco, Carmen, assistait à la messe, tout comme le colonel Antonio Tejero, auteur d'un coup d'Etat manqué en 1981, remis en liberté conditionnelle en 1996. Devant l'église, des éléments d'extrême droite, dont beaucoup étaient drapés dans le drapeau espagnol, faisaient le salut fasciste aux cris de "Unité nationale" et autres slogans franquistes.

DÉSINTÉRÊT CROISSANT

Les défenseurs de la mémoire républicaine en ont profité pour réclamer une justice qui n'a jamais été rendue. Les militants de l'association pour la récupération de mémoire historique essaient depuis cinq ans, sans soutien financier, de retrouver les corps des victimes de la dictature franquiste.

Dans la soirée, plusieurs milliers de manifestants de gauche ont tenu un meeting antifasciste à Madrid aux cris de "No pasaran" ("Ils ne passeront pas", slogan des républicains pendant la guerre civile). "En Espagne, ce qu'ils appellent la transition vers la démocratie a à peine existé, le fascisme a toujours été là sous la surface et à cause de Jose Maria Aznar, il a ressurgi", affirmait une participante à la manifestation.

Mais malgré la publication d'une trentaine de livres à l'occasion de l'anniversaire de la mort du dictateur et un regain d'intérêt ces cinq dernières années pour la guerre civile, une majorité d'Espagnols demeurent indifférents à la figure de Franco.

Selon un sondage de la radio Cadena Ser publié vendredi, 55,5 % déclarent éprouver de l'"indifférence" envers le dictateur, 29,8 % un "rejet" et 7,6 %, de la "nostalgie". Une enquête du Centre d'Enquêtes sociologiques relève un autre paradoxe de la société espagnole, qui constate à 65,9 % que les victimes de la guerre civile ont reçu "une reconnaissance différente selon le camp auquel ils appartenaient", mais estime à 72,9 % qu'un "hommage doit les inclure toutes". De fait, selon un autre sondage publié samedi par le quotidien conservateur El Mundo, 41,3 % jugent que la politique du gouvernement socialiste "rouvre des blessures du passé" plutôt qu'elle ne "favorise la réconciliation" (25,5 %).

PAS DE COMMISSION "VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION"
Le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero, petit-fils d'un républicain fusillé par les franquistes, a créé en septembre 2004 une commission interministérielle pour dresser un état des lieux de la situation des victimes de la guerre civile et de l'après-guerre. Le retard pris par la commission qui devait rendre ses conclusions avant la fin 2005 a suscité l'impatience de l'association pour la récupération de mémoire historique, ainsi que des partis de gauche Izquiera unida (communistes et écologistes) et ERC (nationalistes catalans républicains).

Ce dernier a présenté vendredi une proposition de loi pour que le roi Juan Carlos, qui le 22 novembre fêtera les 30 ans de son accession au trône, demande pardon aux victimes au nom de l'Etat. Ces militants souhaitent également la création d'une Commission de la Vérité débouchant sur une recherche de responsabilités.

L'Espagne, qui s'est posée en fer de lance de la justice universelle, a fait arrêter le dictateur chilien Pinochet et commencé à juger les crimes de la dictature argentine. Mais elle n'a jamais tenu le moindre procès du franquisme, ce que regrette Amnesty International dans un rapport qui cite les contre-exemples de Nüremberg, Tokyo ou les enquêtes en Amérique latine. "Je me sens responsable, mais pas coupable, de l'absence de débat (sur le franquisme) pendant mon mandat", disait en 2001 Felipe Gonzalez, chef du gouvernement socialiste de 1982 à 1996 qui a consolidé la transition démocratique.

Juan Luis Cebrian, vice-président du journal El Pais, considéré comme proche du gouvernement, déplorait, de son côté, une "perte de la mémoire collective" sur le franquisme.

Avec AFP


 
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