Zeck : “As salam alaykoum. Alors par où commencer... J'ai embrassé l'Islam après avoir délaissé la principale chose qui me bloquait l'accès à cette dernière : la musique.
Il y a 15 ans maintenant, j'étais comme beaucoup de jeunes que l'on peut apercevoir aujourd'hui dans les rues ou aux bas des immeubles. Je n'étais pas intéressé par l'école et je n'acceptais pas l'idée non plus que je devais travailler pour obtenir de l'argent et de quoi vivre. A cette époque-là, j'avais une passion, c'était la musique. J'écoutais beaucoup de musiques qui étaient du genre hip-hop, R'n'B, rap, ces domaines-là à peu près.
Certaines personnes de mon entourage m'encourageaient à chanter car ils trouvaient que j'avais un timbre de voix plus que correcte. Je n'aimais pas trop me faire valoir devant les gens, puis un moment donné mon ami m'a poussé et m'a convaincu de m'y lancer. Un jour alors qu'il passait sur scène, il m'a fait monté devant une centaine de personnes qui me regardaient et se demandaient qui je pouvais bien être. J'ai commencé à rapper en public mon premier texte. A vrai dire, j'avais l'habitude d'en écrire énormément quand j'avais des moments propres à moi, et je me les auto-chantais. Donc quand j'étais sur scène à ce moment-là, je n'avais pas de mal à trouver mes paroles, il me suffisait de choisir un des textes que j'avais écrit et dont je m'étais souvenu.
En commençant, je ressentais une sensation étrange, le public présent avait l'air d'aimer ma voix et mon texte, et c'était comme si une sorte d'énergie venant d'eux me poussait à aller jusqu'au bout. J'ai donc finis mon texte en entier, et j'ai eu le droit à des applaudissements. C'est ainsi que l'organisateur de ce meeting-musique est venu vers moi, un micro à la main, pour me demander :
“Quel est votre nom?”
Je n'avais pas du tout pensé à un nom de scène auparavant, et sur le coup je lui ai répondu “Zeck”. Ne me demandez pas ce que ce pseudo signifie comme question à la fin, c'est un peu étrange de ma part, je l'ai choisi par rapport à un personnage de manga que j'admirai beaucoup.”
La foule d'hommes se mit à rire.
“Ainsi je m'appelais Zeck, et c'est pour cela que je me suis présenté devant vous avec ce nom-là aujourd'hui, car cette histoire appartient à cette personne que l'on nommait Zeck.
Je continue.Je devenais ainsi un nouveau rappeur pour quelques personnes, et mon ami m'encouragea ainsi à composer avec lui des textes et faire des tournées ensemble, des sortes de featuring. Ce qui me plaisait le plus à travers cela c'est que j'avais finalement détruit ma peur de pouvoir chanter devant les autres, mais aussi le fait qu'il me dit qu'en empruntant ce milieu, je pourrais devenir quelqu'un de célèbre et gagner de l'argent à flot. Mais pour cela, il allait falloir qu'on travaille dur. J'ai passé d'innombrables nuits blanches à ses côtés à écrire, composer, chanter, chanter et re-chanter jusqu'à ce qu'on obtienne quelque chose de parfait. II était assez pointu dessus. Vous savez dans le monde de la musique, ce qui est le plus recherché c'est davantage la qualité de l'audio, une personne ne s'éternisera pas à entendre quelqu'un chanter avec du mauvais matériel ou dans un son qui grésille. On commença à sortir un album ensemble, et ce fut un véritable succès. On engrangea pas mal de ventes, à un point que l'on n'osait pas imaginer. Mon ami était plutôt quelqu'un de festif et cela ne me déplaisait pas non plus. Il fêta ça en m'achetant une superbe cabriolet, et invita quelques filles pour qu'on puisse se mettre à danser tous ensemble en soirée.
Des soirées j'en ai enchaîné, beaucoup. Je suis même devenu un membre VIP d'une des boîtes renommées de la ville. Le succès continuait à nous sourire lorsqu'on enchaîna avec le lancement de 3 albums en une année. Je m'achetais une nouvelle maison au bord de la mer, une nouvelle voiture et l'idée d'épouse ne me traversait pas trop l'esprit. J'aimais plutôt dîner au restaurant en faisant la rencontre de différentes femmes. Je passais mon bon temps ainsi, la musique les biens et les femmes.
Un jour, lors d'une tournée qu'on devait entreprendre, mon ami se fit complètement absent. Je venais chez lui au milieu de la nuit vers 2h, et je voyais sa maison complètement retournée, les meubles détruits, son argent dispersé au sol. Je me doutais qu'il y a du avoir une histoire de drogues dans tout cela. Il m'avait invité à plusieurs reprises à toucher à la cocaîne et je n'ai jamais voulu. Je me souvenais qu'il se prenait la tête au téléphone avec d'autres rappeurs quelques fois, et qu'il y avait une histoire d'argent mais sans plus. Je me mis donc à sa recherche mais je ne pouvais pas alerter la police car sinon il finirait en prison. J'étais donc dans une impasse. Je demandais à quelques rappeurs dans le coin s'ils ne l'avaient pas vu, ils me dirent que non. Je tournais en rond toute la journée, puis en revenant à notre studio, qu'on avait installé dans sa cave, je vis son cadavre gésir sur le sol. C’était horrible.
C'était la première fois pour moi que je voyais un mort de mes propres yeux, et plus est, que je sois tout seul devant lui comme ça. J'étais pourtant passé en début d'après-midi au studio et il n'y avait rien, son corps a donc été ramené ici. J'étais complètement heurté et choqué, je lui criais de se relever car je n'osais pas imaginer qu'il soit mort. Je lui demandais s'il m'entendait et aucune réponse de sa part, il était réellement mort. Je le prenais par les bras afin de le poser sur le canapé, et je remarquais ainsi les impacts de balles sur son dos, il y en avait plusieurs. Je le lâchais, j'étais complètement effondré.
Je ne savais plus quoi faire sur le coup, qu'est-ce que je devrais dire aux autres, comment annoncer sa mort, et comment en parler à sa famille, car je la connaissais. Oh oui, j'avais oublié de vous parler de cela : nos familles.
Je vivais avec ma mère et elle ne comprenait pas trop le monde de la musique. Donc pour elle que je chante ou que je ne chante pas lui était égale, par contre elle n'aimait pas le fait que je puisse traîner avec des types du genre “mauvais garçons”, si vous voyez ce que je veux dire. Je faisais toujours en sorte qu'elle soit rassurée et qu'elle ne manque de rien, vous voyez en glissant quelques billets sur le frigo ou sous son oreiller. Quant à mon ami, c'était différent. Il a fuit sa famille et s'est prit sa propre maison, il a eu un accrochage avec ses parents lorsqu'il se lança dans la musique et que ces derniers le virent sur un écran télé. Il a essayé tout de même à quelques reprises de reprendre contact, mais il n'osait jamais rester longtemps chez eux, il leur offrait quelques billets et s'en allait.
Ainsi j'avais sa mort sur mon dos, et je cherchais quoi faire. Je ne pouvais pas l'enterrer moi-même, je ne savais pas comment faire. Je connaissais personne de son voisinage, excepté un couple musulman qui se trouvait à l'étage et qu'il respectait beaucoup. Il me disait que ces musulmans étaient des personnes en qui il avait confiance, bien qu'il n'avait pas embrasser l'Islam. Il me disait pourtant que si un jour il devait choisir une confession religieuse, il choisirait celle-ci car elle diffuse quelque chose de particulier que les autres n'ont pas : l'amour et la paix. Je ne comprenais pas trop sa logique ni son sens dans cela, à vrai dire l'Islam m'était complètement inconnu. Je suis donc monté à l'étage et j'ai sonné à leur porte. Un homme habillé dans une djellaba blanche, une barbe immense! Je croyais au début qu'il se déguisait pour un carnaval, je suis sérieux.”
La foule d'hommes se mit à rire.
“Il me demanda ce que je voulais, et je lui expliquais la situation. Il était très touché par ce que je venais de lui dire, et il accepta de descendre avec moi dans la cave pour qu'on puisse appeler ensemble la police et dire qu'on vient de s'en apercevoir. La police arriva et nous posa un tas de questions. Et c'est à partir de ce moment-là qu'une partie de moi-même se mit à voir des choses nouvelles. Les policiers n'osaient pas trop me questionner moi personnellement, mais ils entouraient tous ce voisin musulman et n'arrêtaient pas de le harceler. J'avais presque voulu danser devant eux afin qu'ils sachent que j'existe mais je n'ai pas tenté.
Très honnêtement, j'avais pas trop le moral à ça, et après un petit quart d'heure, les policiers se décidèrent à embarquer le voisin. Je commençais ainsi à devenir fou de rage car il n'y était pour rien, et je me sentais presque responsable de cela. Je brusquais les policiers, en essayant d'arracher cet homme de leurs mains en leur répétant qu'il est innocent. Je fus choqué et je compris quand ils dirent :
“C'est ce qu'ils pensent tous mais ces gens-là sont les plus dangereux”
Quelle escroquerie, une terrible hypocrisie de leur part. Je voyais ainsi leur véhicule partir avec cet homme, et prendre mon ami dans un camion spécial. Je me retrouvais ainsi encore tout seul. Je montais à l'appartement de mon voisin musulman afin de prévenir sa femme que son mari venait d'être prit par la police. Je sonnais et je tapais plusieurs fois mais on ne m'ouvra point. Je décidais donc de me rendre au poste de police directement car je ne voulais pas lâcher l'affaire et défendre à tout prix cet homme innocent si jamais ils venaient à l'accuser de quoique ce soit.
Je l'apercevais dans un bureau, et je leur expliquais sur place à quel point il n'avait rien à voir. Je m'exprimais d'une manière assez virulente, c'était dû à ma mauvaise condition suite à la mort de mon ami mais aussi à ce comportement des policiers. Je restais ensuite sur une chaise dans la file d'attente, en espérant que cet homme soit libéré. Des heures passèrent et il fit nuit, jusqu'à ce que je le vis sortir du bureau et venir me voir avec un sourire. Cela me semblait bizarre, il venait de passer des heures dans un endroit au sein duquel il ne devait pas être et qu'il n'avait rien fait pour, et il ne fait rien d'autre que me sourire comme premier geste...? Qui est donc cet homme?
C'était la question à laquelle j'allais bientôt avoir réponse...”
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