Que ces vallons déserts, que ces vastes prairies Où j’allais promener mes tristes rêveries, Que ces rivages frais, que ces bois, que ces champs, Que tout prenne une voix et retrouve des chants Et porte jusqu’au sein de Ta Toute Puissance Un hymne de bonheur et de reconnaissance ! Celle, qui dans un chaste et pur embrassement, A reçu mon amour et mon premier serment, Celle à qui j’ai juré de consacrer ma vie Par d’injustes parents m’avait été ravie ; Ils avaient repoussé mes pleurs, et les ingrats Avaient osé venir l’arracher de mes bras ; Et jaloux de m’ôter la dernière espérance Qui pût me soutenir et calmer ma souffrance, Un message trompeur nous avait informés Que sur un bord lointain ses yeux s’étaient fermés. Celui qui fut aimé, celui qui put connaître Ce bonheur enivrant de confondre son être, De vivre dans un autre, et de ne plus avoir Que son cœur pour sentir, et que ses yeux pour voir, Celui-là pourra seul deviner et comprendre Ce qu’une voix humaine est impuissante à rendre ; Celui-là saura seul tout ce que peut souffrir Un homme, et supporter de tourments sans mourir. Mais la main qui sur moi s’était appesantie Semble de mes malheurs s’être enfin repentie. Leur cœur s’est attendri, soit qu’un pouvoir caché, Que sais-je ? Ou que la voix du remords l’ait touché. Celle que je pleurais, que je croyais perdue, Elle vit ! elle vient ! et va m’être rendue ! Ne demandez donc plus, amis, pourquoi je veux Qu’on mêle ces boutons de fleurs dans mes cheveux. Non ! Je n’ai point souffert et mes douleurs passées En cet heureux instant sont toutes effacées ; Que sont tous mes malheurs, que sont tous mes ennuis. Et ces rêves de deuil qui tourmentaient mes nuits ? Et moi ! J’osais du ciel accuser la colère ! Je reconnais enfin sa bonté tutélaire. Et je bénis ces maux d’un jour qui m’ont appris Que mes yeux ne devaient la revoir qu’à ce prix !