Après la poussée inquiétante des actes racistes et antisémites qui ont secoué la France en 2004, le gouvernement a souhaité mieux cerner l'état des lieux de la mouvance d'extrême droite et chargé la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) de lui fournir la photographie la plus précise possible de cette frange de la population. Les policiers estiment que les groupuscules représentent entre 2 500 et 3 500 militants ou sympathisants, répartis en cinq grandes "familles" : les skinheads, les identitaires, les ultranationalistes, les néonazis et les hooligans. L'Alsace, l'Ile-de-France, la région PACA sont les principales régions d'implantation. Toutes ces tendances sont unies par un dénominateur commun : la notion de "pire ennemi", que représentent aujourd'hui, pour elles, l'islam et le monde arabe. L'année 2004 a été marquée en France par une poussée inquiétante des conduites racistes et antisémites. Au total, 194 actes et 711 menaces ont été recensés par le ministère de l'intérieur, contre 112 et 418 l'année précédente (Le Monde du 19 janvier). En réaction, outre les mesures de sécurisation des écoles, des lieux de culte et des cimetières, le ministère a voulu mieux cerner les auteurs de ces actes et disposer notamment d'un état des lieux des groupuscules violents d'extrême droite. Chargée de cette analyse, la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) a remis son rapport à la mi-janvier. Ce dernier souligne un éclatement des structures et des effectifs stables.
Les policiers estiment que ces groupuscules regroupent entre 2 500 et 3 500 militants et sympathisants, dont une petite partie s'engage dans une démarche radicalement violente. "On assiste à deux phénomènes parallèles, souligne-t-on dans l'entourage du ministre de l'intérieur, Dominique de Villepin. D'une part, la dégénérescence assez nette des structures de cette mouvance, qui ne constitue pas une grave menace pour l'Etat aujourd'hui. D'autre part, le nombre à peu près constant d'actions violentes et la banalisation extrêmement inquiétante de certaines thèses, comme l'ont montré les récents propos de Jean-Marie Le Pen sur l'Occupation." Les statistiques des actions violentes imputables à des sympathisants d'extrême droite ne traduisent pas, sur ces cinq dernières années, une tendance lourde, malgré un saut important entre 2003 et 2004 (de 28 à 65). Le ministère de l'intérieur en avait recensé 52 en 2000, 28 en 2001, puis à nouveau 52 en 2002.
L'IDÉE D'UN "PIRE ENNEMI"
Les activistes d'extrême droite constituent un milieu très éclaté, en recomposition permanente, implanté dans les régions françaises les plus urbanisées. Ils ne sont pas d'accord sur tout et ne partagent pas des objectifs identiques ; en revanche, ils se retrouvent autour de l'idée d'un "pire ennemi". Celui-ci n'est pas immuable. Il y a trente ans, les communistes tinrent ce rôle, avant d'être remplacés par les juifs et les Américains. Enseignement marquant du rapport : l'antisémitisme semble être en net recul au sein de ces groupuscules, dorénavant obsédés par la propagation de l'islam et la présence des Arabes sur le sol français. Sur 188 actions violentes à caractère antisémite recensées en 2004 par le ministère de l'intérieur, seules 13 (soit 7 %) sont imputables à des activistes d'extrême droite. En revanche, la part des personnes fragiles, influençables, voire déséquilibrées, est soulignée par les spécialistes de la Place Beauvau.
La vague de profanations et d'actes racistes qui a touché l'Alsace en 2004 n'était pas un simple concours de circonstances. Cette région figure au premier rang des préoccupations des responsables policiers et politiques luttant contre l'influence de l'ultra-droite. Parmi les auteurs d'actes de violence qui lui sont attribués, 35,5 % résidaient l'an passé en Alsace. La proximité de l'Allemagne explique l'existence d'une mouvance néonazie réduite, mais active, des deux côtés de la frontière. La deuxième région - loin derrière - est l'Ile-de-France, suivie de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, puis à un degré moindre du Nord-Pas-de-Calais et de la Bretagne.
Les renseignements généraux ont recensé au total une vingtaine de groupes, divisés schématiquement en cinq grandes familles, qui développent entre elles plus ou moins d'affinités. La première - la plus importante en nombre - est celle des skinheads (entre 1 000 et 1 500 personnes), qu'un haut responsable policier qualifie d'"anarchistes de droite, réfractaires à la discipline et à l'idéologie". Ils sont très présents au sein du mouvement du rock identitaire et techno et se retrouvent souvent dans des bars et autres enseignes amies.
La deuxième famille est le groupe identitaire, dont les écrits et les propos regorgent de références à la "communauté de sang" et à la "patrie charnelle". L'organisation Terre et peuple regroupe entre 200 et 300 sympathisants ; Bloc identitaire, proche du Front national et des jeunes du Groupe union défense (GUD), en aurait près de 500.
La troisième famille est celle des ultranationalistes, qui sont essentiellement vus par les policiers comme des nostalgiques tentés ponctuellement par l'action violente. Elle se divise en groupuscules, dont les effectifs s'établissent dans une fourchette entre 30 et 80 personnes : l'Œuvre française, le cercle franco-hispanique, la garde franque, les pétainistes.
Viennent ensuite les néonazis, essentiellement implantés en Alsace et très liés à leurs homologues allemands, qu'ils retrouvent outre-Rhin à l'occasion de fêtes ou de concerts. Les principaux groupuscules sont Elsass Korps (50 militants environ), que les policiers soupçonnent d'être impliqué dans certaines profanations commises en 2004 dans la région ; le combat furtif-Werwolf (une centaine de personnes), proche d'associations défendant la "Patrie alsacienne"; enfin, la vingtaine de membres du Truppenkameradschaft, nostalgique des Waffen-SS.
La dernière famille est celle des hooligans, sévissant dans les stades et leurs alentours. Leur objectif principal est la confrontation avec leurs homologues adverses et les forces de l'ordre. Au cours de la saison de football 2003-2004, sur 302 incidents comptabilisés par les policiers, dix seulement avaient un caractère raciste.
Les passages d'une famille à l'autre, ou d'un groupuscule à l'autre, peuvent se produire, comme en témoigne le parcours de Maxime Brunerie, qui avait tenté d'assassiner le président de la République le 14 juillet 2002. Le jeune homme avait milité au GUD, puis rejoint le MNR de Bruno Mégret, avec quelques incursions dans la mouvance néonazie et feue Unité radicale. Il avait assisté à quelques concerts de rock identitaire et fréquenté parfois le kop de Boulogne au Parc des Princes. Aucun de ces engagements ne l'avait pleinement satisfait. Au printemps 2002, il eut "l'impression d'avoir fait le tour de l'extrême droite", selon son _expression livrée à la cour d'assises de Paris, avant qu'elle ne le condamne à dix ans de réclusion en décembre 2004. Il a alors décidé, seul, sans être encadré et guidé par un groupe, de passer à l'acte.
Une réunion du Front national à Sandillon (Loiret), dimanche 23 janvier, a provoqué la colère d'élus locaux de la région, selon le quotidien Libération du 22 janvier. En effet, cette réunion, qui doit lancer la campagne du parti de Jean-Marie Le Pen contre la Constitution européenne, a pour cadre prévu la Ferme d'Allou, haut lieu de la Résistance locale, transformé aujourd'hui en propriété à louer pour des fêtes. Le vice-président du parti d'extrême droite, Roger Holeindre, est annoncé à cette occasion
Après la poussée inquiétante des actes racistes et antisémites qui ont secoué la France en 2004, le gouvernement a souhaité mieux cerner l'état des lieux de la mouvance d'extrême droite et chargé la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) de lui fournir la photographie la plus précise possible de cette frange de la population. Les policiers estiment que les groupuscules représentent entre 2 500 et 3 500 militants ou sympathisants, répartis en cinq grandes "familles" : les skinheads, les identitaires, les ultranationalistes, les néonazis et les hooligans. L'Alsace, l'Ile-de-France, la région PACA sont les principales régions d'implantation. Toutes ces tendances sont unies par un dénominateur commun : la notion de "pire ennemi", que représentent aujourd'hui, pour elles, l'islam et le monde arabe. L'année 2004 a été marquée en France par une poussée inquiétante des conduites racistes et antisémites. Au total, 194 actes et 711 menaces ont été recensés par le ministère de l'intérieur, contre 112 et 418 l'année précédente (Le Monde du 19 janvier). En réaction, outre les mesures de sécurisation des écoles, des lieux de culte et des cimetières, le ministère a voulu mieux cerner les auteurs de ces actes et disposer notamment d'un état des lieux des groupuscules violents d'extrême droite. Chargée de cette analyse, la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) a remis son rapport à la mi-janvier. Ce dernier souligne un éclatement des structures et des effectifs stables.
Les policiers estiment que ces groupuscules regroupent entre 2 500 et 3 500 militants et sympathisants, dont une petite partie s'engage dans une démarche radicalement violente. "On assiste à deux phénomènes parallèles, souligne-t-on dans l'entourage du ministre de l'intérieur, Dominique de Villepin. D'une part, la dégénérescence assez nette des structures de cette mouvance, qui ne constitue pas une grave menace pour l'Etat aujourd'hui. D'autre part, le nombre à peu près constant d'actions violentes et la banalisation extrêmement inquiétante de certaines thèses, comme l'ont montré les récents propos de Jean-Marie Le Pen sur l'Occupation." Les statistiques des actions violentes imputables à des sympathisants d'extrême droite ne traduisent pas, sur ces cinq dernières années, une tendance lourde, malgré un saut important entre 2003 et 2004 (de 28 à 65). Le ministère de l'intérieur en avait recensé 52 en 2000, 28 en 2001, puis à nouveau 52 en 2002.