Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
La belle histoire des parents de septime
S
15 août 2017 16:52
Que la bénédiction de celles et ceux qui te sont chers soient sur toi, humble lecteur !

A travers ce topic fleuve, où je vous raconterais de nombreuses anecdotes, j'aimerais vous révéler le caractère si particulier de mes parents que j'aime tellement. J'espère que nombre d'entre vous y retrouveront une description des leurs. Aussi, je vous invite à rédiger leurs anecdotes si l'envie vous en prend.

A chaque nouveau post, je publierai en préambule les liens vers les posts précédents, pour ne pas perdre le fil
.

Mon père avait 28 ans lorsqu’il rencontra ma mère pour la première fois. Il ne l’avait jamais vu auparavant et, pour être tout à fait honnête, il n’était pas motivé à la rencontrer ce jour-là. Son cœur meurtri était déjà pris par une autre femme. Femme avec laquelle il s'était fiancé quelques années auparavant en France. Mais cette union fut catégoriquement refusée par son père. La fiancée était Algérienne et fille de harki de surcroît, ce qui à ses yeux était tout bonnement inconcevable. D’ailleurs quand il avait appris la nouvelle par voie postale, il écrivit à son fils une lettre au vitriol où il le menaça de le déshériter et l’enjoignit à se considérer orphelin s’il épousait cette cagole. Ma tante nous raconta des années plus tard comment elle avait volontairement évité de reproduire certains mots durs dictés par mon grand-père.

Ma mère avait 21 ans le jour de la rencontre. Elle travaillait dans une boutique tenue par une juive française à Casablanca. Oui, oui cher amis, vous avez bien lu ! Inutile de relire. On est bien en 1976, au Maroc, un pays musulman, où les femmes travaillaient déjà ! A cette époque, le Maroc pouvait s’enorgueillir d’octroyer à la femme marocaine des villes l’un des meilleurs statuts dans le monde arabe, si ce n’est le meilleur.

Ma mère partait seule au travail le matin et en rentrait seule le soir. Elle portait un chemisier et une jupe qui lui descendait jusqu’aux genoux. Chose tout à fait commune dans un Maroc pas encore gangrenée par l'intégrisme d'analphabète (remarquez que je n'ai pas utilisé le terme Islamisme). Personne ne lui faisait de remarques.

Aujourd’hui, quand elle observe de jeunes barbus incultes faire régner la terreur autour d’eux, son cœur se serre. Il se serre deux fois plus lorsqu’elle croise de jeunes filles, à peine pubères, enveloppées dans de grosses étoffes noires se balader en parlant comme ne parlaient que les femmes travaillant dans les cabarets à son époque. L’intégrisme d’analphabète.

Ma mère donc, nous venons de la voir, était une femme indépendante. Mais, ce qui la caractérisait par rapport aux filles de son époque, c’était clairement son esprit. C’était une femme intelligente qui parlait couramment le français. Très mûre pour son âge, elle pensait et interprétait le monde qui l’entourait. L’injustice, la justice, le bon, le mauvais, la religion, les principes, les valeurs, la richesse, la dignité, la vérité, le mensonge, les faux semblants c’étaient autant de concepts qu’elle avait, elle seule, pensé sans lire au préalable tel ou tel philosophe. Aujourd’hui encore, je me surprends de découvrir dans des livres de philosophies des pensées qui ressemblent à ce qu’a produit ma mère dans sa tête pendant qu’elle traversait, à pieds, les longues distances qui séparaient son domicile de son école et, plus tard, de sa boutique. Ces pensées ont fait d’elle une femme qui avait très vite mûrit au grand dam de sa mère adoptive qui s’avérait être en réalité sa tante stérile à qui on l’avait confiée bébé. Ma mère n’apprit la vérité que bien plus tard ce qui produisit en elle d’énormes troubles psychologiques dont les effets se sentent encore aujourd’hui, à l’heure où je pose ses lignes.

Sa mère adoptive ne supportait pas les mises en garde de ma mère sur sa façon de conduire sa vie. Imaginez le tableau : ma mère était « enfant unique » et gâtée comme on ne saurait l’imaginé dans le Maroc de l’époque. Ma mère croulait sous les jouets, les robes, les sucreries que lui offraient sa mère adoptive et … ses maris successifs. En effet, sa mère adoptive était une très jolie femme, très courtisée. Bien que stérile, les hommes faisaient des pieds et des mains pour conquérir le cœur de cette célibataire tant désirée. Ma mère passera plus tard des heures à me raconter le dégoût que lui provoquait ses hommes qui, parfois mariés, parfois hejs, reniaient leur dignité et leur rang pour attirer une once d’attention de cette femme. Ce dégoût détermine pour beaucoup l’éducation qu’elle a voulu nous donner à nous, ses fils. Rien que nous imaginer, plus tard, alors que nous serions devenus vieux, les cheveux blancs, peut-être chauves, le visage plié par les années, en train de se comporter comme ces hommes, lui donnait envie de vomir.

Pardon mama, j'ai déjà de nombreuses fois failli à cette noble éducation.

à suivre
S
15 août 2017 16:53
Partie 1

Comme nous l’avons dit, elle ne cessait de la gronder sa mère adoptive quand elle la voyait profiter de ces hommes sans valeurs. Et sa mère adoptive de lui répondre : « Ouf ! J’en ai marre ! Toi tu n’es pas ma fille, mais ma grand-mère.». En arabe ça donne : « Of ! ntya machi benti, ntya jeda ! ». Malgré tout, ma mère reconnaitra plus tard que cette femme lui donna énormément d’amour. C’était la prunelle de ses yeux. A la moindre contrariété qui faisait souffrir ma mère, elle remuait ciel et terre pour l’atténuer. Aucun jouet, aucune robe sur quoi ma mère posait ses yeux n’était trop cher pour sa mère adoptive.

Autre chose caractérisait ma mère : son amour du bon goût. Qualité tout à fait étonnante à noter chez un jeune marocaine de condition modeste et vivant dans un quartier populaire. En fait, cet amour lui avait été communiqué par sa patronne juive. Les formes, les couleurs, les types de tissus, les matériaux etc. Ces choses avaient un sens à la fois pratique et esthétique. L’esthétique, sans le besoin pratique, c’était vulgaire. Le besoin pratique sans l’esthétique, c’était sans âme. C’était dans la conjugaison des deux, dans les nuances de formes et de couleur qu’on déterminait chez quelqu’un le bon goût et le style.

Ma mère aimait beaucoup sa patronne. Elle l’a connu à 16 ans, sa patronne en avait alors 25. C’est une amie en commun qui les avait présentés. La juive fut très vite séduite par ma mère, ses traits fins, ses très longs cheveux noirs et lisses, sa façon de se tenir si droite, sa réserve naturelle. Elle lui proposa immédiatement de quitter son travail à la manufacture de jean pour la rejoindre dans sa boutique dont le poste seyait mieux au rang qu’elle supposait à ma mère. Cette dernière accepta sur le champ.

Ce que ma mère enviait chez cette femme, c’était sa liberté. Elle ne se souciait pas du qu’en-dira-t-on. Elle avait un joli port-de-tête et beaucoup de grâce dans ses mouvements.

Parfois, quand la clientèle se faisait rare au cours de la journée, elles prenaient le thé dans l’arrière-boutique. Là, la patronne lui parlait de la France, de la mode, du froid, de la liberté, des gens qui avaient des conversations intelligentes. Les gens là-bas savaient discerner entre les bons et les mauvais. Une femme comme ma mère là-bas, ne serait pas traitée comme une paysanne. On aurait remarqué qu’elle était différente, que sa posture était noble. Et donc personne ne se serait arrogé le droit de lui dicter comment se conduire. Tout le contraire du Maroc où la femme devait faire ci, faire ça, ne pas faire ci, ne pas faire ça, où son individualité était nié. Sa patronne lui parlait des grands squares parisiens où les femmes pouvaient se balader libres, s’assoir sur de beaux bancs publiques, feuilleter des magazines, rêvasser et même aller prendre un café entre copines sans se faire importuner. Les yeux de ma maman brillaient.

C’est pourquoi ce jour où ses vrais parents chez qui elle était allée vivre après avoir appris la vérité de ses origines, lui annoncèrent la venue prochaine d’un homme de France, pour lui demander sa main, son cœur faillit exploser de joie.

C’est ainsi que, quelques semaines plus tard, elle se trouvait assise face à ce jeune homme qu’elle trouvait très beau quoique quelque peu bourru.

L’avait-elle senti ? Le jeune homme face à elle, était mais alors aux antipodes de son caractère, comme nous allons le voir plus tard. Mais les opposés sont fait pour s'attirer n'est ce pas ?

A suivre
a
15 août 2017 17:25
Salam
Trés bien écrit.
a
15 août 2017 17:27
...avec passion on sent la nostalgie de ta maman
A travers ton texte
N
15 août 2017 17:36
La France la liberté de la femme... ptdr

Quel problème avec les apparences religieuses ?

Sinon c'est intéressant même si j'y reconnais pas mes parents pour l'instant.
[i][center]La bouche pleine de pieux mensonges[/center][/i]
M
15 août 2017 17:40
Tu devrais penser à être écrivain.
Tu as vraiment un talent.
Chapeau
S
15 août 2017 17:59
Merciiii ca me touche grave ? Vraiment vous le pensez que j'ai du talent ? J'espère que vous me dites pas ca pour me faire plaisir !!

Wallah merci ca me touche vraiment
15 août 2017 18:07
Welcome

Comme d'habitude Septime, c'est un vrai plaisir que de te lire.... Avec en plus un petit suspense pour la fin si l'homme en face d'elle n'est pas ton père.

Je suis la seconde sur ce post à te le dire et je ne me répèterai jamais assez auprès de toi : fais de ce don quelque chose, ne te gâche pas, vas jusqu'au bout. Les dons, il faut que tout le monde en profite.

Je reconnais ma maman dans ta description. Elle a rencontré mon père quand elle avait 20 ans et mon père 29, comme le tien. Je reconnais ma mère, qui est une libre-penseuse comme la tienne. Pour le bon goût, il a fallu attendre qu'avec ma soeur on se charge un peu d'elle.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 15/08/17 18:16 par C.C..
15 août 2017 18:13
Salam,

la fois dernière, c'était l'un de tes récits les plus drôles. Cette fois-ci, c'est sûrement l'histoire la plus sincère, authentique et émouvante que tu aies écrite jusqu'ici. Tu tiens là ton premier vrai texte abouti Angel
CQFD [i]La bêtise est un puits sans fond...[/i]
15 août 2017 18:42
J'aime beaucoup te lire! Tu as du talent! Angel

J'attends la suite avec impatience.
Les gens peuvent oublier mille bonne actions à cause d'une seule erreur, Allah peut pardonner mille erreurs à cause d'une seule bonne action.
B
15 août 2017 19:14
Très bien écrit (même si tu le sais déjà et que tu nous la joue l'air surpris).

Ceci étant dit ça m'a rappelé la vie de ma maman avant qu'elle ne devienne épouse. Elle travaillait et prenait des cours de couture avec sa bande de copine (bien qu'elle vivait dans la 3robiya/cambrousse du bled).

C'est d'ailleurs elle qui m'a transmis cette passion pour la couture et la coquetterie. Depuis toujours elle n'a cessée de me répéter que la beauté d'une femme s'entretient peu importe l'âge.

Elle porte le voile depuis ses 11 ans et pourtant tout comme ta maman elle est étonnée quand elle voit toutes ces jeunes filles sous ce drap noir.

Hommes et femmes traînaient ensemble, Il n'était pas mal vu de ce faire la court tant que les limites et les principes étaient respectés.

C'était dans les années 70, aujourd'hui nous sommes en 2017 et on te dit qu'il est formellement interdit de parler à un homme sans "marham". L'a3jab (surprenant) comme elle le dit si bien.

Après je vais casser le délire, mais son mariage avec mon père lui a été imposé et avec les années elle a appris à "l'aimer" et surtout à le supporter. Mais en toute objectivité aujourd'hui je peux affirmer que mon père aime bien plus ma mère que l'inverse.

J'ai connu (pas galocher respirez!!) assez d'hommes pour dire qu'aujourd'hui très peu seraient restés avec leur femme malade, et encore moins pour lui préparer à manger, lui tenir la bassine pendant qu'elle vomie, la nettoyer, lui faire des tisanes etc.

Dommage pour une jeune génération musulmane à qui on enseigne chaque jour dans les prêches et les conférences l'amour et le respect pour sa compagne/son compagnon, son époux/épouse. (Ouais j'ai vrillé mais moi j'ai le droit aux hors sujets smoking smiley)

Voilà pour ma participation bonne fin de journée.
Les Manières Y Gagneront Ce Que L’affection Y Perdra...
15 août 2017 19:25
On veut la suite Septime...
S
15 août 2017 20:12
Merci grave de chez grave ! Vraiment vous me faites trop plaisir. Et je suis sincère, je ne fais pas semblant. J'ai donné de mon âme en écrivant ces textes. Je vais publier la suite non sans remercier particulièrement @blachichi dont le témoignage est véritablement touchant. Hé oui, à l'époque nos pays d'origines n'étaient pas aussi fermé qu'aujourd'hui....

Merci à toi aussi Kamilia ! Tu trouves que c'est mon texte le plus abouti ? Tu as noté l'effort que j'ai mis à écrire correctement loll.

La suite arrive !!



Modifié 1 fois. Dernière modification le 15/08/17 20:42 par Septime.
15 août 2017 21:31
Evidemment que j'ai noté l'effort, mes compliments faut les mériter lol tongue sticking out smiley

Plus sérieusement, c'est le plus abouti dans le sens où il y a vraiment matière à en faire quelque chose de concret tel qu'un roman et après lecture, on a qu'une hâte, celle de lire la suite donc c'est prometteur Angel


Citation
Septime a écrit:
Merci grave de chez grave ! Vraiment vous me faites trop plaisir. Et je suis sincère, je ne fais pas semblant. J'ai donné de mon âme en écrivant ces textes. Je vais publier la suite non sans remercier particulièrement @blachichi dont le témoignage est véritablement touchant. Hé oui, à l'époque nos pays d'origines n'étaient pas aussi fermé qu'aujourd'hui....

Merci à toi aussi Kamilia ! Tu trouves que c'est mon texte le plus abouti ? Tu as noté l'effort que j'ai mis à écrire correctement loll.

La suite arrive !!
CQFD [i]La bêtise est un puits sans fond...[/i]
A
15 août 2017 22:20
J'ai bien aimé ton histoire... J'imagine une fille se baladant dans les rues de casa.... la tête dans les nuages... waw... c'est vraiment beau ce que tu écris sur ta maman... et sincère dans ta description ce qui est encore mieux.

Tu devrais écrire plus souvent.

On attend la suite.

thumbs up
a
15 août 2017 23:17
Comme d'habitude Clap
S
16 août 2017 08:29
Merci beaucoup ! Je suis en train d'écrire la suite ... Oh si vous saviez comment vous me touchez là !!!
a
16 août 2017 14:42
Bonjour à toutes et à tous
Sous forme d un roman je dirais c est savoureux.
Sous forme d histoire personnelle, le doute s installe entre la part de votre imagination fertile, des fantasmes et le desir à nous raconter votre vie.
En tout cas je préfère de loin vous lire que la plupart des histoires de ce forum qui donnent envie de vomir.
Bonne continuation et bonne journée.
S
16 août 2017 17:32
Merci beaucoup l'ami. Il y'a un peu d'invention dans cette histoire, mais la majorité est vraie
Citation
akounkou a écrit:
Bonjour à toutes et à tous
Sous forme d un roman je dirais c est savoureux.
Sous forme d histoire personnelle, le doute s installe entre la part de votre imagination fertile, des fantasmes et le desir à nous raconter votre vie.
En tout cas je préfère de loin vous lire que la plupart des histoires de ce forum qui donnent envie de vomir.
Bonne continuation et bonne journée.
M
26 janvier 2018 17:43
Salam Septime,

Je profite de ta présence sur le forum pour te relancer sur le suite de cette histoire. Je l'attends depuis trop longtemps eye rolling smiley
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook