La législation marocaine en matière d’héritage est conforme au droit musulman malékite en vertu duquel la fille hérite de la moitié de la part de son frère. Si par malheur cette fille n’a pas ce frère privilégié, elle entrera en concurrence dans la dévolution successorale de son père avec ses oncles paternels ou plus largement les héritiers mâles parents par les mâles. Si la remise en cause des règles d’héritage et leur sacralité commence à se faire entendre, elle se fait cependant timidement.
«Mon expérience personnelle sur une période de plus de vingt années est de constater l’émergence d’une volonté de renforcer la cellule familiale ainsi que l’abandon du comportement fataliste face au statut de la fille en matière de succession», explique un notaire, spécialisé dans l’héritage des femmes. Si les familles ont à présent la possibilité de contacter un notaire, notamment en matière d’acquisition immobilière, bon nombre consultent l’adoul, fidèle aux préceptes religieux. A la différence de ce dernier, le notaire contribue à l’éveil des mentalités en invoquant et en explicitant que ces règles pénalisantes pour les filles ne sont pas immuables et que du vivant des parents une réorganisation est envisageable.
«De nombreuses fois j’ai assisté avec satisfaction au soulagement des parents soucieux de protéger leur fille, grâce aux éclaircissements apportés et à la présentation de solutions appropriés pour sauvegarder le patrimoine familial, des ingérences extérieures ou tout simplement assurer l’égalité des parts entre frère et sœur». Cette démarche n’a pas toujours été évidente. Malgré les siècles de traditions pesantes, la question devient plus aisée grâce à la promulgation récente du Dahir du 22 novembre 2011 sur les droits réels
Le premier principe ayant toujours existé est que du vivant des parents ceux-ci peuvent faire donation entre vifs à titre gratuit et irrévocable de leur patrimoine à toutes personnes, héritières ou non. Or les règles régissant la donation en général n’ont été codifiées que depuis la promulgation du Dahir du 22 novembre 2011 sur les droits réels. En effet, jusqu’à cette date les règles résultaient des interprétations des jurisconsultes musulmans et sont demeurées souvent obscures pour la majorité. De plus, les conditions de validité et le principe de révocabilité ou d’irrévocabilité restaient flous et n’offraient aucune garantie de sécurité face aux risques des actions en nullité déposées devant les tribunaux par les héritiers putatifs arguant la spoliation.
Le deuxième principe juridique pouvant être présenté aux parents soucieux d’agir dans le sens des intérêts de leur fille, est celui du démembrement du droit de propriété, qui consiste à dissocier l’usufruit de la nue-propriété. L’attribution à la fille de la nue-propriété d’un bien immobilier par voie de donation ou d’acquisition, en créant un usufruit au profit des parents par voie de rétention ou par acquisition permet l’exclusion de ce bien de l’actif sur lequel portera la dévolution successorale, car l’usufruit étant un droit viager il disparaît au décès du bénéficiaire et est automatiquement dévolu au bénéficiaire de la nue-propriété
Les avantages de la codification des dispositions réglementant la donation sont inestimables car ils autorisent une plus large diffusion des avantages de la donation.
A cet effet l’une des conditions de validité est le principe de dessaisissement, en droit musulman une donation valable implique que le donateur ne soit plus en possession du bien et que la jouissance soit effective et réelle au profit du donateur. Mais l’on sait tous que cette condition fait très souvent obstacle. Elle fait l’objet d’interprétations contradictoires mettant un frein à la donation de la nue-propriété en faveur de la fille.
Toutefois beaucoup espèrent que ces démarches restent secrètes, pour éviter toutes justifications de leur vivant avec les héritiers…