Le souverain marocain est passé à la vitesse supérieure ces dernières semaines. Après une longue tournée en Afrique subsaharienne, le roi a enchainé avec la visite de Tanger et Casablanca pour le lancement d’ambitieux projets d’aménagement urbain. Vendredi 21 mars, c’était la ville du détroit qui avait les faveurs du souverain avec le lancement des travaux du programme Tanger-Métropole. Un chantier qui va coûter 7,6 milliards de dirhams et qui est censé aboutir d’ici 2017. Une mise à niveau de la ville qui viendra à point nommé pour l’arrivée du TGV reliant Tanger à Casablanca, prévue en 2015.
Hier, mardi 1er avril, la capitale économique recevait aussi ses milliards de dirhams. Le roi Mohammed VI a présidé la signature de 8 conventions relatives au projet «Wessal-Casablanca-Port». Le Fonds Wessal Capital, présenté comme l’un des fonds souverain les plus importants d’Afrique, investira 6 milliards de dirhams dans ce projet. La nouvelle physionomie de la zone portuaire, en cours de transformation grâce aux précédents chantiers de la gare Casa-Port et de la nouvelle Marina, devrait aboutir en 2020.
Dates non contractuelles
Il faut bien évidemment prendre les dates de livraisons avec des pincettes. 2015 pour le TGV, 2017 pour Tanger-Métropole, 2020 pour Wessal-Casablanca-Port, ne sont que les dates prévisionnelles annoncées. Il suffit de voir les retards pris par le projet de la gare Casa-Port dont la fin des travaux initialement prévue en 2009, et qui n’ont toujours pas permis une livraison en 2014. Le même écueil est observé avec le projet de Marina de Casablanca. Alors que celui-ci était prévu pour être livré en 2012, avec même certains bâtiments annoncés pour 2011, les premières livraisons n’ont commencé qu’au début de l’année 2014, avec les premiers plateaux de bureaux pour une dizaine d’entreprises.
Mais au-delà des traditionnels retards que connaissent tous chantiers de construction, la principale question de ces annonces multiples portent sur le financement. Comment le Maroc, déjà engagé dans de nombreux projets ambitieux, peut-il financer autant de milliards de dirhams d’un seul coup ?
Depuis le printemps arabe et l’invitation faite au Maroc pour intégrer le Conseil de coopération du Golfe (CCG), les monarchies du Golfe sont devenues les principaux soutiens financiers du royaume chérifien. Ainsi, le fonds souverain Wessal Capital est alimenté en plus du Maroc, par 4 pays du Golfe : Emirats, Koweït, Qatar et Arabie Saoudite. On retrouve d’ailleurs 3 de ces 4 pays (Arabie Saoudite, Koweït, Emirats arabes unis) dans une partie du financement du TGV entre Tanger et Casablanca.
Les pays du Golfe, peuvent également soutenir les projets marocains sans passer par des fonds, prêts ou dons. C’est le cas du projet solaire à Ouarzazate avec une première centrale dont l’investissement s’élève à 7 milliards de dirhams. C’est ACWA, une entreprise saoudienne qui a remporté l’appel d’offre (fin 2012) et qui financerait 15% du montant. De même, le projet de nouvelle ville de Zenata a connu fin 2013, l’arrivée remarquée de l’émirati Al Futtaim, appuyé par le koweitien Al Homaizi pour un investissement de 1,6 milliards de dirhams dans ce qui sera le plus grand centre commercial au Maroc.
Alliances stratégiques
Après la réduction de la voilure du groupe Emaar au Maroc (abandon du projet de la corniche de Rabat et du projet de station de ski à l’Oukaïmeden), et les problèmes rencontrés par le saoudien Dallah Al Baraka (Affaire Palais des Roses à Agadir), nous assistons donc à une arrivée massive des capitaux des entreprises de la péninsule arabique. Une inflexion qui semble être appuyée pour ne pas dire initiée, directement par les autorités des pays du Golfe.
Depuis 2011, le Maroc a réussi à renforcer son rôle d’allier stratégique pour les pétromonarchies, ce qui lui permet aujourd’hui de bénéficier de cette ombrelle financière, véritable bouffée d’oxygène en temps de crise économique. Mais cette nouvelle relation entre les pays du CCG et le royaume chérifien semble dictée par de nouveaux objectifs encore plus ambitieux dans le futur. Au-delà de la question du financement des projets nationaux, certains observateurs s’interrogent sur l’argent nécessaire pour financer les ambitions africaines récemment affichées par le roi du Maroc. Là encore, l’argent des pays du Golfe pourrait venir appuyer l’action du Maroc pour une reconfiguration des alliances stratégiques en Afrique.