- Yabiladi : A quel moment avez-vous décidé de vous engager politiquement?
- Najat Vallaud Belkacem : En fait, mon engagement en politique est l’histoire d’une succession de rencontres. J’ai d’abord eu la chance, pour payer mes études, de travailler comme attachée parlementaire auprès d’une députée socialiste, Béatrice Marre, une femme de conviction, très engagée. J’ai ensuite rejoint le cabinet de Gérard Collomb, maire de Lyon, auprès duquel j’ai pu conduire de beaux projets et qui m’a convaincue que la politique pouvait changer les choses, changer la vie des citoyens. Enfin, c’est avec Jean Jack Queyranne, que j’ai franchi le pas de l’engagement politique, en étant élue Conseillère régionale sur sa liste en Rhône-Alpes, en 2004.
- Comment avez-vous vécu votre nomination comme porte-parole de Ségolène Royal? Un mot sur vos missions?
J’ai été très émue et très honorée par ma nomination auprès de Ségolène Royal et en même temps très consciente de ma responsabilité. J’ai la charge, en particulier avec Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, de défendre le pacte présidentiel dans les médias et partout où l’on réclamera ma présence. Ségolène Royal me fait confiance et, à travers moi, aux gens de ma génération. Elle attend de moi un engagement total, elle n’entend pas me voir faire de la figuration.
- En outre, vous êtes candidates aux élections législatives à Lyon face au ministre des Transports, Dominique Perben, entre autres. Comment faîtes-vous face, à 29 ans, aux défis de taille que vous avez décidé de relever?
Le défit est important, en effet, car la 4ème circonscription du Rhône dans laquelle je me présente est historiquement acquise à la droite. Pour autant, je ne nourris aucun complexe vis-à-vis de mon concurrent et la sociologie à évoluée. J’ai des convictions, des principes, des idées auxquelles je crois et que je défends avec enthousiasme auprès des électeurs. Quant à mon âge, j’y vois une chance, même si je sais que j’ai encore à apprendre.
- Selon vous, qu'est-ce qui va être déterminant pour l'élection du prochain Président(e) de la République?
L’ambition et la crédibilité du projet de société vont faire la différence et de ce point de vue là, je ne vois que Ségolène Royal pour remettre la France debout et lui redonner confiance en elle-même. J’admire beaucoup notre candidate parce qu’elle est lucide sur les difficultés du pays et exigeante sur les réponses à y apporter, c’est ce dont la France à besoin.
- Au Maroc, une certaine fierté nationale s'est manifestée lors de l'annonce de votre nomination. Quel effet cela vous fait-il?
J’en suis très heureuse, je suis moi aussi fière de ma double culture et j’aime infiniment le Maroc. Je pense que c’est une vraie richesse personnelle. J’espère que les Marocains continueront d’être fiers de moi.
- Quel regard portez-vous sur le Maroc? Vous y venez souvent?
Je sens un pays bouillonnant, plein d’énergie, en pleine révolution. Même si tout n’est pas rose, je sens que le meilleur du Maroc est à venir. J’ai une grande confiance dans la capacité du Maroc à être un pays leader de l’arc méditerranéen. Malheureusement, je n’ai pas eu beaucoup d’occasion d’y aller ces dernières années. L’été prochain peut être ?
- Très souvent, trop souvent, on a tendance, en France, à stigmatiser les nominations officielles de citoyens issus de l'immigration maghrébine. Qu'en pensez-vous?
Oui c’est vrai et je n’y échappe pas. Et ce qu’il y a de paradoxal c’est que dans le même temps des voix s’élèvent (parfois les mêmes !) pour réclamer plus de diversité, notamment en politique. Je participe avec d’autres hommes et femmes issus de l’immigration à une sorte de normalisation du paysage. Aujourd’hui on essuie les plâtres, mais demain on ne nous remarquera plus.
- Que répondez-vous à ceux qui déclarent que "Sarko" a sa "beurette" et que dorénavant "Ségo" l'a aussi?
Ségolène Royal, comme le parti socialiste en réservant des circonscriptions à des candidats issus de la diversité, a pris ses responsabilités pour avoir une équipe, ou une assemblée, représentative de la France dans toute sa diversité. J’estime, quant à moi, avoir également pris les miennes. On ne peut pas réclamer plus de diversité en politique et reculer quand on vous propose d’y aller. A crier au « beur de service » à chaque fois qu’on nomme un français un peu coloré, on risque de longtemps tenir éloigné les Français issus de l’immigration des responsabilités.
- Faire de la politique, c'est avant vouloir contribuer à améliorer la vie des autres. A ce titre, quelle est l'idéologie qui guide votre engagement? Votre vision du monde?
En effet, la politique consiste à vouloir changer une situation et je ne me résous pas aux difficultés dans lesquelles beaucoup de mes concitoyens vivent. Je ne peux pas me résoudre, par exemple, à l’idée que la France, qui est un pays riche, compte 2 millions d’enfants pauvres, je ne peux pas me résoudre non plus à ce que 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification, je ne peux pas me résoudre à voir la précarité galoper. C’est parce que je ne crois pas à la fatalité et surtout que je ne crois pas à l’impuissance du politique, à la dictature du marché, que je trouve un sens dans l’engagement politique. Ma vision du monde, comme le dit Martin Hirsch le président d’Emmaüs, c’est que, pour améliorer la vie des gens comme vous le suggérez, « au possible nous sommes tenus ». Or, je crois que beaucoup est possible, c’est le sens de mon engagement, c’est pour cela que je soutiens Ségolène Royal parce qu’elle incarne cette idée à la perfection.
- Si vous deviez parler de vous à des inconnus, que leur diriez-vous?
Je leur dirai de m’accompagner dans cette aventure, car seule je ne peux rien.
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