«Le Maroc a une des plus grandes réserves de schistes bitumineux dans le monde et des projets tels que Tarfaya aidera le Royaume à répondre à ses besoins énergétiques futurs» a déclaré, Oisin Fanning (photo), président exécutif de San Leon Energy, le 4 février, rapporte iii.co.uk. L’annonce a de quoi séduire : orgueil patriotique et déficit énergétique se trouvent comblés. «Trouveraient comblés», plus exactement, car il faut noter que Oisin Fanning utilise le futur.
Depuis que la société irlandaise s’est implantée au Maroc, en 2009, elle a communiqué avec une rigueur de métronome sur chacune de ses découvertes et de ses décisions. En septembre 2010, la société annonce qu’elle va développer un projet-test concernant le schiste bitumineux à Tarfaya. Aujourd’hui, le test aboutit : l’opération commerciale sur Tarfaya est possible, annonce la compagnie. D’après plusieurs échantillons, le rendement de l’exploitation pourrait être de 72 litres de pétrole par tonne de matière extraite. Victoire.
Optimisme total sur les ressources
Les bonnes nouvelles se succèderaient donc à un rythme régulier sur la planète hydrocarbures marocaine qui, rappelons le, ne produit, aujourd’hui, qu'une quantité infime de pétrole (moins de 6 000 barils par jour). La société d’exploration australienne Tangiers Petroleum, a annoncé que le prospect Trident et, secondairement, Assaka et TMA, au sein de sa concession Tarfaya Offshore, devraient contenir jusqu'à 750 millions de barils de pétrole récupérable, rapporte aujourd’hui, jeudi 7 février, l’agence Ecofin. Notez bien, le conditionnel et l’adverbe «jusqu’à». Il ne s’agit pas de ressources certaines, d’une part, et le gisement contiendrait, s’il existe, moins de 750 millions de barils.
«[Le] modèle économique [des sociétés d’exploration qui communiquent régulièrement, ndlr] n'est pas tant de produire le pétrole que de découvrir des gisements en limitant le risque, explique Christian Besson, analyste de l'Agence internationale de l'énergie, à Jeune Afrique. N'ayant généralement pas de cash pour assurer la production, elles ont donc intérêt à faire "monter la sauce" [en communiquant sur des ressources prospectives prometteuses, ndlr] afin de vendre au mieux tout ou partie de leur licence à une compagnie productrice.»
Revendre ses parts
L’objectif de toutes ces belles annonces n’a donc qu’un but : convaincre les compagnies d’exploitation ou d’exploration plus poussée - car Leon Energy et Tangiers Petroleum manque de moyens – qu’elles sont assises sur un gisement mirifique. Il faut bien sûr apporter des preuves tant les investissements nécessaires à l’exploitation sont lourds et coûteux, mais une communication offensive est aussi nécessaire. Convaincues, les autres compagnies d’exploitation rachètent leurs concessions plus chères.
San Leon Energy et Tangiers Petroleum sont totalement dans cette configuration. La société Cairn Energy a racheté 50% des parts des sociétés San Leon Energy, Seric et Long Rich Oil. Elle a payé pour cela 1,5 million de dollars, révèle, le 31 janvier, sharecast.com. Pour forer un puits d’exploration sur cette parcelle – c’est dire si l’on est encore loin de l’exploitation – Cairn Energy vient d’investir 60 millions de dollars.
Très peu de pétrole
Exactement de la même façon, en décembre 2012, Tangiers Petroleum a cédé 50% des parts de la licence à la compagnie portugaise GalpEnergia qui se chargera du financement du forage d'exploration destiné à évaluer Trident et les objectifs secondaires Assaka et TMA avant la mi-2014.
En 2000, Mohammed VI prononçait un discours pour l’anniversaire de la Révolution du roi et du peuple resté fameux pour sa référence aux hydrocarbures, «nous nous réjouissons, au moment où nous célébrons ces deux glorieux anniversaires, de t’annoncer, cher peuple, la bonne nouvelle de la découverte du pétrole et du gaz, de bonne qualité et en quantités abondantes, dans la région de Talsint dans les provinces de l’Oriental qui nous sont si chères». 12 ans ont passé et la production pétrolière marocaine reste insignifiante.