C’est avant-hier, lundi 14 janvier, que Nassima, la jeune bonne de 19 ans, qui avait tenté de suicider le 9 janvier dernier est sortie de l’hôpital à Casablanca, nous a fait savoir aujourd’hui Omar El Kindi, le directeur de l’association Insaf. Nassima souffre d'un traumatisme cranien, d'une fracture au bras, d'une jambe cassée et de plusieurs hématomes sur le corps. Dès sa sortie, elle a été prise en charge par la Ligue Démocratique des droits des femmes et se trouve actuellement dans l’un de ses centres d’accueil à Casablanca.
Où est Bassima Hakkaoui ?
Cependant, entre le temps où la jeune femme est entrée de l’hôpital pour recevoir des soins et en est sortie, aucun officiel, aucun ministre, pas même Bassima Hakkoui, ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social ne se sont rendus au chevet de la jeune femme pour savoir comment elle allait. Yabiladi a tenté de joindre la ministre cet après-midi, mais sans résultat.
Pourtant, le Premier ministre Benkirane n’a pas hésité à rendre visite «en secret» à la famille du jeune homme décédé après avoir tenté de rattraper la jeune femme dans sa chute, rapporte le site Mediapart parlant d’une visite le 9 janvier, le jour-même de son décès. «Ca ne coûtait rien au Premier ministre d’aller voir après, par curiosité, comment se sentait la jeune femme. Elle a été admise et soignée dans le pavillon 4 du CHU de Casablanca, un genre de hangar ouvert à tout le monde, où n’importe qui pouvait l’approcher», déplore Omar El Kindi. «Qu’aucun officiel ne se déplace après une tentative de suicide, on peut comprendre mais la manière dont cette affaire a été médiatisée, quelqu’un aurait pu au moins se déplacer. Chacun doit jouer son rôle», ajoute-t-il.
La tentative de suicide de Nassima intervient au moment d’une autre tragédie : le décès de la famille Berrada le 5 janvier dernier dans le crash de leur avion bimoteur en France. Farid Berrada, PDG de la société Colorado, son épouse et ses trois enfants ont été enterrés hier à Casablanca. Des funérailles au cours desquelles se sont déplacés massivement des leaders politiques et chefs d’entreprises. La liste est longue : Abdelilah Benkirane, Taïb Fassi-Fihri, conseiller royal aux affaires étrangères, Karim Ghellab, président de la Chambre des représentants, Nabil Benabdallah, le ministre de l’Habitat, Driss Jettou, Président de la Cour des comptes ou encore Mohamed Kettani, PDG de Attijariwafa Bank.
30 000 petites bonnes travaillent encore !
Avec tout le respect que nous devons à la mémoire de la famille décédée et à ses proches, on ne peut rester indifférent face à ce manque d'égard de la part des autorités du pays. Lorsqu’une bonne tente de se suicider pour la deuxième fois afin de mettre fin à son calvaire, aucun élu ou officiel ne demande après elle, ni n’est là pour l’écouter ou la réconforter.
La jeune femme vit pourtant un véritable cauchemar depuis qu’elle a 14 ans, âge où elle a commencé à travailler comme petite bonne à tout faire chez des familles aisées à Marrakech et à Casablanca. Un cauchemar qui n'est que le fruit des maux de la société marocaine dans laquelle elle a grandi. Le salaire qu’elle touchait allait directement dans les poches de ses parents qui la forcaient à travailler. En 2010, elle est victime d’un viol et s’ouvre les veines pour tenter de mettre fin à ses jours. Nassima a vécu et continue de vivre certainement ce que des milliers d’autres jeunes filles marocaines vivent au quotidien en silence. D’après les chiffres du Collectif pour l’éradication de l’exploitation des petites bonnes et l'Unicef, 30 000 fillettes travaillent encore aujourd'hui comme domestiques au Maroc alors que le pays interdit le travail avant 15 ans et que les enfants sont obligés d’aller à l’école jusqu’à 16 ans.