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Grand Angle

Maroc : Une analyse déconstruit les idées reçues sur la baisse de la classe moyenne

Contrairement aux idées communément admises, le taux de la classe moyenne au sein de la population marocaine a bien connu une augmentation. Une analyse du Policy Center For The New South suggère que cette tendance déconstruirait les perceptions selon lequelles les ménages deviennent plus riches ou plus pauvres. Pour autant, ce constat est limité par les bouleversements engendrés par la pandémie de 2020.

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De 2012 à 2019, la classe moyenne au Maroc a connu une hausse de 16,35%, passant ainsi de 53,20% à 61,90% de la population. Publiée le 9 mai dernier, une analyse du Policy Center For The New South note cependant que les courbes d’incidence de la croissance indiquent une «croissance pro-pauvre, quel que soit le milieu de résidence». Basé sur la dépense par tête étudiée dans les enquêtes de l’Observatoire national du développement humain (ONDH) et non sur les revenus «qui recouvrent généralement plus d’inégalité», ce papier de recherche n’examine pas pour autant la période post-Covid et les incidences socioéconomiques de la crise sanitaire de 2020.

Intitulée «Classes moyennes au Maroc : Au-delà des perceptions, que disent les chiffres ?», cette contribution d’Abdelkhalek Touhami et de Dorothee Boccanfuso se réfère aux «données des vagues 2012 et 2019 de l’Enquête panel de ménages (EPM) de l’ONDH». Il en ressort que «la pauvreté a diminué entre 2012 et 2019», passant de 14,24% à 9,65% respectivement, «quelle que soit la mesure utilisée au niveau national», ainsi que pour les milieux urbain et rural. «Nous constatons en particulier que la mesure de la sévérité diminue de presque 60% sur la période, ce qui nous informe d’une baisse à la fois de la pauvreté et de l’inégalité entre les pauvres», notent les chercheurs. Par ailleurs, ces derniers constatent que «la baisse de l’incidence de la pauvreté engendre une légère hausse de la population vulnérable sur la période».

Dans le monde rural, la classe moyenne a gagné six points sur la période, dépassant ainsi 70% de la population dans ces régions en 2019. «Nous constatons la même tendance en milieu urbain avec un gain de 14,85% entre 2012 et 2019, représentant presque les 2/3 de la population urbaine en 2019», écrivent-ils.

Les disparités existent davantage au sein des mêmes groupes socioéconomiques

Les auteurs soulignent que ces données contredisent certaines perceptions concernant la régression de la classe moyenne. Selon eux, «ce phénomène peut en partie s’expliquer par un déplacement de la population aisée vers la classe moyenne». «L’examen des histogrammes des répartitions de la dépense par tête en 2012 et 2019 pour les deux milieux nous permet de confirmer qu’il y a effectivement un déplacement sensible» soulignent-ils.

«Ceci nous permet d’anticiper une baisse de l’inégalité et de la polarisation sur la période. Nous observons effectivement une baisse importante de l’inégalité pour les trois mesures considérées au niveau national et pour les deux milieux considérés. Le milieu rural connaît la plus forte baisse notamment de 40,60% pour l’indice de Theil. Le milieu urbain connaît toujours une inégalité plus marquée, que ce soit en 2012 ou 2019.»

Abdelkhalek Touhami et Dorothee Boccanfuso

Aussi, l’inégalité intra-groupe reste la plus dominante, comparé à celle inter-groupes, «ce qui contribue à nuancer ici aussi certaines perceptions». De ce fait, «la polarisation baisse tant au niveau national que pour les deux milieux, ce qui confirme l’augmentation de la taille de la classe moyenne», souligne l’analyse, notant une baisse plus marquée dans le monde urbain. Selon les chercheurs, ces dynamiques s’expliqueraient en partie par «la répartition des bénéfices de la croissance sur la période».

Si cette tendance a connu une évolution tout au long de la période étudiée avant 2020, il reste à analyser les effets des «chocs adverses qui ont suivi», ainsi que l’efficience des programmes mis en place pour réduire les impacts économiques et sociaux de la pandémie mondiale. «Tous ces chocs ont potentiellement et en toute vraisemblance eu des conséquences sur les différentes mesures de pauvreté, d’inégalité et de polarisation présentées dans cette note et par conséquent, sur la taille de la classe moyenne», souligne-t-on.

Article modifié le 14/05/2024 à 23h28

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