Menu

Grand Angle

Sahara-CIA files #3 : Washington a redouté une attaque du Maroc sur Tindouf

Un document de la CIA datant du 13 février 1987 analyse les hypothèses d’une éventuelle escalade armée entre le Maroc et l’Algérie, notamment après que Rabat a repoussé les attaques du Polisario après la construction du Mur des sables. Le document évoque aussi une possible intervention militaire de l’Algérie pour créer des brèches dans cette barrière et permettre au Polisario de s’infiltrer. Parmi les scénarios, une attaque soudaine des camps de Tindouf par le Maroc est également citée.

Publié
DR
Temps de lecture: 3'

Déclassifié en août 2012, un document de la CIA datant de février 1987 a estimé que dans le temps, une guerre entre l’Algérie et le Maroc aurait pu être déclenchée à tout moment. Pour autant, les dirigeants des deux pays se sont efforcés d’éviter ce qui pourrait conduire à une escalade militaire, vu le scénario d’une impossibile victoire d’une armée sur l’autre.

Intitulé «Maroc - Algérie : Une vie au bord du gouffre», le document indique que le principal problème entre les deux pays reste le conflit du Sahara occidental. Il précise que cette question «empêche la normalisation des relations bilatérales». Les tensions sont exacerbées le manque de confiance mutuelle, comme en témoigne le maintien des forces de Rabat et d’Alger les unes près des autres, dans les zones frontalières.

Selon les renseignements américains, les deux pays ne sont pas prêts à faire des «concessions majeures». «Il est presque certain que l’Algérie poursuivra sa campagne diplomatique de longue haleine pour isoler le Maroc, jusqu’à ce que Rabat accepte des négociations sérieuses avec les dirigeants du Front Polisario. Par conséquent, nous ne voyons pas de possibilités majeures pour une solution diplomatique», écrit la CIA. «Nous pensons que la prolongation de la guerre du Sahara occidental poussera parfois l’Algérie et le Maroc à commencer les hostilités», ajoute la même source.

Deux armées prêtes à toutes les possibilités

«Etant donné qu’il n’y a rien à offrir à leurs efforts diplomatiques, les Algériens de plus en plus frustrés pourraient tenter de recourir à la force» pour pousser le Maroc à abandonner ses positions, poursuit le document. Quand à l’Algérie, elle pourrait s’engager dans un éventuel conflit «au nom du Front Polisario».

A ce titre, la CIA indique que le voisin de l’est a mené une «politique de la corde raide» en 1984, lorsqu’il «a tendu une embuscade à une patrouille frontalière marocaine, qui expulsait par la force les combattants du Polisario de leurs fiefs au Sahara occidental». «Une fois qu’elle a choisi de s’engager dans cette voie, Alger s’est confrontée au risque élevé d’un affrontement armé, avec une forte probabilité d’échange de raids et d’escarmouches avec le Maroc».

Alger en sait d’ailleurs beaucoup, lorsqu’en 1963, les deux pays se sont engagés dans une série d’affrontements le long de leur frontière au Sahara (la Guerre des sables), ou encore en 1976, lors de deux batailles dans la région. La CIA souligne ainsi que les deux pays ont été au bord de la guerre à plusieurs reprises. La dernière en date, retenue dans le document, remonte au printemps 1984.

Cette année-là, «les forces marocaines ont expulsé le Front Polisario de presque tous ses camps au Sahara occidental». De son côté, l’Algérie a envoyé des avions militaires dans l’espace aérien marocain. Avant cela, en 1976, «les forces algériennes ont été expulsées de la région d’Amgala, au Sahara occidental, après deux combats avec les forces marocaines».

«La stratégie marocaine consiste à ériger une clôture en sable sur une grande partie du Sahara occidental, ce qui a été à l’avantage de Rabat en terme de contrôle militaire sur la majeure partie du territoire contesté», retient encore la CIA. La situation a gêné les milices du Polisario, mais a atténué la pression sur le Roi Hassan II (1962 - 1999) concernant les négociations directes.

Alger au pied du Mur

L’agence de renseignements a cité un «haut responsable du gouvernement algérien», qui aurait déclaré à l’ambassadeur américain : «L’Algérie aspirait à parvenir à un règlement qui sauverait la face, mais Hassan II n’a fait que lancer des manœuvres pour faire perdre au Front Polisario complètement la guerre.»

Le document prévient que l’Algérie pourrait réagir à l’efficacité du berme marocain, en mobilisant un petit nombre de bataillons blindés ou d’avions militaires algériens, «pour aider le Polisario à faire de grandes brèches dans le Mur des sables».

L’Algérie pourrait aussi être réticente à prendre l’une de ces mesures, en raison des risques élevés qui pourraient conduire frontalement à une guerre algéro-marocaine. En riposte, indique le document, le Maroc pourrait «lancer des frappes aériennes sur les camps du Polisario près de Tindouf».

Les deux belligérants compteraient surtout sur l’effet surprise, pour éviter une interception des missiles sol-air. Mais ce genre de frappes ne serait ni important, ni fréquent, remarque la CIA.

«Certaines de ces mesures peuvent être mises en œuvre avec succès, selon les capacités existantes», ajoute la même source, ajoutant que d’autres «ne seront réalisées que par surprise et ne peuvent pas être répétées régulièrement».

Article modifié le 26/04/2024 à 23h58

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com