Yabiladi : Soutenez vous l’action de Women on waves de faire accoster un bateau destiné à accueillir des Marocaines enceintes pour leur permettre d’avorter dans les eaux internationales ?
Chaïk Chraïbi : Je suis totalement opposé à cette démarche. Cette action n’a réussi qu’à irriter la population, la société civile, les hommes politiques. Notre association a été contacté en début d’année par Women on waves pour participer depuis le Maroc à cette opération. J’ai dit non ; c’est une provocation, ce n’est pas dans notre démarche. Symboliquement, cette action est bonne, mais la démarche ne fait qu’irriter.
Vous dites que vous avez été sollicité par Women on waves. Connaissez vous les deux organisateurs du «bateau de l’avortement» ?
Je connais bien Women on waves, je connais son travail et je le respecte. Elle travaille beaucoup sur l’avortement médicamenteux. Après qu’elle nous ait sollicités, nous sommes resté en contact pour partager dans le domaine de la recherche. Le MALI est un groupuscule provocateur. C’est une philosophie, mais ça ne résout aucun problème social ! C’est un mouvement composé de jeunes très insouciants que je peux comprendre, mais ce discours ne prendra jamais au Maroc.
Quelles sont les réactions que vous avez pu constater ?
Depuis le début de l’opération, je suis invité à m’exprimer dans les médias audiovisuels : les gens sont furieux. Je dois me rendre, demain [samedi 6 octobre, au centre culturel d’Anfa, Casablanca ndlr], au salon du bébé, de la petite enfance et de la kafala. Certaines personnes qui devaient venir m’ont dit qu’elles hésitaient à le faire dans le contexte de ces derniers jours. Tout le travail que j’ai fait depuis 7 ans... je ne dis pas qu’il est anéanti, mais là il y un autre travail à faire ; tenir un langage réaliste.
En quoi consiste ce langage réaliste : Quelle est votre démarche ?
Nous faisons de la sensibilisation en insistant sur la détresse des femmes qui viennent dans mon cabinet, celles qui meurent d’un avortement clandestin, celles qui se suicident faute d’avoir pu avorter, celles qui tuent leur enfant en proie au désespoir ... Nous disons que l’avortement existera toujours et qu’il vaut mieux l’autoriser dans des conditions de sécurité pour la santé des femmes. L’objectif est de sensibiliser les hommes politiques et religieux. J’ai fait une conférence auprès du conseil des oulémas de Tanger, dans la mosquée Mohamed V, pour faire passer ce message. Tous étaient d’accord avec ce que j’expliquais, il n’y avait personne pour s’opposer.