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Grand Angle  

Le ministre de la Justice veut empêcher les ONG de porter plainte contre les élus

Le ministre marocain de la Justice vient d’ouvrir un front contre les associations de défense des biens publics. Il veut les priver de présenter des plaintes contre des élus. Une initiative condamnée par Mohamed El Ghalloussi, président de l’Instance Nationale pour la Protection des Biens Publics au Maroc.

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Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, ce mardi 19 avril 2022, à la chambre des Conseillers / Ph. copie d’écran vidéo
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Le ministre de la Justice veut en finir avec les plaintes déposées par les associations de défense des biens publics contre des présidents des communes soupçonnés de corruption. Abdellatif Ouahbi a annoncé, ce mardi après-midi lors de la séance hebdomadaire des questions orales à la Chambre des conseillers, qu'il a introduit un amendement à la procédure pénale visant à mettre la compétence d’ester les élus en justice exclusivement entre les mains du ministère de l’Intérieur.

«Celui qui est responsable du contrôle de l’argent accordé par le ministère de l’Intérieur est bel et bien le ministre de l’Intérieur et non ces associations. Personne n’est habilité à présenter ce genre de plaintes que s’il est la source de l’argent donné» aux communes, a-t-il expliqué.

Le ministre a mis en garde contre des «opérations de chantage» qui nuisent «à la légitimité des présidents des communes». L’intervention d’Abdellatif Ouahbi a eu un écho favorable auprès des conseillers-parlementaires, dont la majorité (soit 72 sièges sur un total de 120) sont issus du collège des collectivités territoriales. En témoigne, la requête immédiatement présentée et massivement approuvée pour accorder au ministre plus de temps de parole afin qu’il continue son réquisitoire contre les associations de défense des biens publics.

«Le ministre de la Justice a cédé à la pression des bénéficiaires de la rente»

Encouragé par cet élan de solidarité, Ouahbi a affirmé que «le contrôle de l’argent de l’Etat incombe à l’Etat». «Si le citoyen a des observations, il doit les signaler et les transmettre ensuite aux représentants du peuple et ces derniers ont le droit de les soulever dans les institutions du peuple», a précisé le ministre de la Justice. Ces ONG «n’ont aucun droit» de déposer des plaintes contre des présidents de communes, arguant que «même la Cour des comptes, qui est une institution constitutionnelle, ne le fait pas directement mais soumet ces rapports au Ministère Public, qui est également une institution constitutionnelle».

A rebours de l'enthousiasme affiché par les conseillers-parlementaires, le président de l’Instance Nationale pour la Protection des Biens Publics au Maroc ne décolère pas après les propos d’Abdellatif Ouahbi. «Comment s’est-il permis d’utiliser des institutions de l’Etat pour défendre des personnes accusées de corruption et de dilapidation de deniers publics ?», s’est interrogé l’avocat Mohamed El Ghalloussi dans une déclaration à Yabiladi.

L’initiative du ministre constitue une «régression, au niveau des droits de l’Homme et une atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire, qui sera placé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur», a-t-il expliqué. El Ghalloussi estime que le ministre de la Justice «a cédé ainsi à la pression des voix dissonantes, bénéficiaires de la rente et de la corruption».  

Abdellatif Ouhabi a annoncé que l’amendement proposé sera transmis, dans les jours à venir, au Secrétariat général du gouvernement pour l’examiner et donner ensuite son avis.

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