«Trafficking in persons report» est le dernier rapport publié hier, mardi 19 juin, par le Département d'Etat américain. Il passe au peigne fin la situation du trafic d’êtres humains dans le monde. Le Maroc est loin d'être épargné : les enfants et certains étrangers en sont les premières victimes.
Soumis au travail forcé, les enfants sont contraints de quitter leur campagne natale pour aller travailler dans les villes comme «petites bonnes», ouvriers, mendiants ou pour se prostituer. Dans certains cas, des petites filles âgées de 6-7 ans sont forcées à quitter leur domicile rural pour aller travailler comme «petites bonnes» dans les villes. Des conditions de travail difficiles : souvent, elles ne sont pas payées, n'ont pas le droit de mettre le pied dehors ou subissent des menaces, des agressions physiques et sexuelles. Les petits garçons, eux, sont forcés de travailler comme des apprentis dans les secteurs de l’artisanat, du bâtiment ou dans des garages comme petits mécaniciens.
Subsahariens en détresse
Le rapport souligne, ensuite, que le trafic d’êtres humains ne touche pas seulement les Marocains mais également des personnes d’autres nationalités qui viennent au Maroc comme les Subsahariens, des personnes d’Asie du Sud, notamment les Philippines. Le phénomène s'accroit d'année en année.
Ces personnes viennent de manière volontaire dans le royaume mais le font clandestinement avec l’aide de «smugglers», c’est-à-dire des passeurs. Une fois arrivées au Maroc, les femmes et les plus jeunes filles sont souvent forcées à se prostituer. Certaines iront faire du travail domestique.
En traversant la frontière algérienne, les Subsahariens arrivent à Oujda. Certaines femmes subsahariennes sont forcées à tomber enceinte pour mendier avec leur enfant, sucitant ainsi plus la pitié, dans cette ville marocaine. D’autres seront vendues à des réseaux de prostitution dans les autres grandes villes du royaume comme Casablanca.
Ce sont les Nigérianes qui sont les plus grandes victimes du trafic sexuel qui fait rage au Maroc. Les femmes originaires des Philippines travaillent de plus en plus comme femmes de ménage dans des familles marocaines qui leur confisquent leurs papiers d’identité, preuve de leur servitude domestique.
Exploitation des Marocaines dans le Golfe
Le rapport soulève également le problème des Marocains et Marocaines qui sont exploités par le travail ou sexuellement à l’étranger, en particulier en Europe et dans les pays du Moyen-Orient : dans les pays du Golfe, en Jordanie, Libye ou Syrie. A l’instar de ce que peuvent endurer certains femmes des Philippines dans des familles au Maroc, certaines Marocaines parties à l’étranger subissent également des menaces, des abus physiques et sexuels et ne sont pas autorisées à sortir.
Les hommes marocains à l'étranger, lorsqu'ils sont en situation précaire, se voient très souvent confisquer leur passeport dans les pays du Golfe et tombent dans la servitude par leurs dettes. Ils sont contraints de la rembourser en fournissant directement un travail plutôt que par de l’argent. En Europe, c’est une autre histoire. Les hommes marocains travaillent le plus souvent dans des travaux frauduleux ou tombent dans des trafics de drogue.
Gouvernement inactif
Le rapport américain est formel : l’élimination du trafic d’êtres humains et la fin de l’esclavage moderne ne semblent pas être les priorités du pays, même si le gouvernement fait de temps en temps des efforts pour montrer sa bonne foi en inculpant des personnes qui ont fait travailler de force des enfants, par exemple.
Ainsi le Département d’Etat américain recommande au Maroc de durcir les lois pour mieux condamner les trafiquants d’êtres humains et de ne pas punir les victimes qui ont été forcées de commettre certains faits. Le Maroc devrait aussi encourager les victimes à prendre part aux enquêtes pour mieux démanteler les trafics et en retour leur promettre de ne pas les expulser. Le rapport recommande aussi de renforcer la législation avec les autres pays pour mieux protéger les ressortissants marocains qui sont victimes d’esclavage.
Enfin, les dernières recommandations concernent les enfants : former plus de personnel et de juges à la problématique du travail forcé, en intensifiant la communication entre les différents ministères ; et s’assurer que les enfants victimes n’aient pas à subir de violences supplémentaires de la part de la police ou en créant des campagnes pour sensibiliser la population au tourisme sexuel.