Menu

Grand Angle

Enrichissement illicite : Une incrimination en stand-by à cause du «lobby de la corruption»

Alors que certains députés ont dénoncé, cette semaine, le blocage d’un texte évoquant l'incrimination de l'enrichissement illicite au Maroc, le président de l'Association marocaine pour la protection des biens publics regrette l’absence de volonté politique. Mohamed El Ghalloussi pointe du doigt la responsabilité du gouvernement et du «lobby de la corruption».

Publié
La Chambre des représentants du Parlement marocain. / DR
Temps de lecture: 3'

Cette semaine, une session de la Commission de la justice et de la législation à la Chambre des représentants s’est transformée en tribune pour dénoncer le blocage de plusieurs lois. Destinée à débattre du projet de loi organique n°57.20 relative à la nomination aux hautes fonctions, la séance a été l’occasion d’évoquer le projet de loi n°10.16 pour modifier et compléter le Code pénal. 

Ce texte, qui concernr entre autres l'enrichissement illicite, divise les partis de la majorité et a poussé des formations qui la compose à déposer des amendements séparément. En février dernier, la coalition fragile d'El Othmani a subi un échanges de tirs entre l'USFP et le PJD sur cette question.

Des élus pointent la responsabilité du gouvernement

Les parlementaires semblent toutefois accorder leurs violons. Lundi, des élus de la majorité ont accusé le gouvernement de transformer le Parlement en outil pour entraver la législation dans le pays. Ils ont critiqué le fait que ce texte n’a toujours pas été programmé pour être voté bien qu’il a franchi toutes les étapes nécessaires, tirant à boulets rouges sur le gouvernement.

«Nous considérons que l'incrimination de l'enrichissement illicite et le blocage dont il fait l’objet est une preuve de l’absence d’une volonté politique réelle pour lutter contre la corruption», tranche ce mercredi Mohamed El Ghalloussi, président de l'Association marocaine pour la protection des biens publics (AMPBP), contacté par Yabiladi.

Il affirme que «le lobby de la corruption a intérêt qu’aucune loi susceptible de mettre fin à la rente et à la corruption ne soit votée et appliquée». «Il y a des résistances au niveau du parlement et du gouvernement pour que ce texte ne soit pas approuvé», ajoute-t-il.

«Certains députés parlementaires seront eux-mêmes impactés par l'incrimination de l'enrichissement illicite, car ils disposent de fortunes et de biens obtenus illégalement. Ils ont peur que cette loi soit le prélude d'une remise en question sur l'origine de leur fortune.»

Mohamed El Ghalloussi

Pour le président de l’AMPBP, ces élus «tergiversent et résistent dans l’optique de geler ce texte pour immuniser l’argent et les intérêts qu’ils ont cumulé depuis des années».

Un lobby qui n’épargne pas les institutions constitutionnelles

«La stratégie nationale de lutte contre la corruption a appelé à l'incrimination de l'enrichissement illicite. De ce fait, le blocage dudit texte démontre de la puissance du lobby de la corruption dans notre pays, qui s’oppose donc à toutes les lois et les textes», regrette l’associatif.

Mohamed El Ghalloussi dénonce ainsi le fait que ces députés «résistent et s’opposent lorsqu’il s’agit de la lutte contre la corruption» alors qu’ils s’activent lorsqu’il s’agit de restriction aux libertés ou d’atteintes au pouvoir d’achat du citoyen». Il cite, comme exemple, l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC, anciennement ICPC) reprochant au «lobby de la corruption» de s’opposer à «toute réforme de cet organisme».

«Même pour une institution constitutionnelle, le lobby parvient à circonscrire son rôle, réduire sa mission et la vider de sa vocation principale, en l’empêchant d’accéder aux outils lui permettant de remplir sa mission.»

Mohamed El Ghalloussi

Pour le militant, «si l’exécutif voulait faire passer le texte sur l'incrimination de l'enrichissement illicite, il l’aurait fait, car il dispose d’une majorité confortable à la Chambre des représentants». «Malheureusement, cet avantage n’est utilisé que pour des lois contre la société et contre l’intérêt général, faisant ainsi plaisir au patronat et au lobby contrôlant les centres de décision dans notre pays», conclut-il.

A rappeler qu'en début de l'année, les groupes de la majorité de députés à la Chambre des représentants ont convenu d’écarter l'emprisonnement des sanctions prévues par le projet de loi n°16.10 modifiant et complétant les dispositions du code pénal contre l'enrichissement illicite.

Article modifié le 30/12/2020 à 19h29

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com