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France : Najat Belkacem contre le port de la burka et contre une loi l’interdisant

Après l’affaire du voile, la burka est devenu le nouveau cheval de bataille de l’UMP aidé par le maire communiste de Vénissieux. Une commission parlementaire est chargé de mener une large consultation afin de statuer sur l’intérêt ou non d’une loi contre le port du voile intégral dans l’espace public. Nous avons interrogé Najat Vallaud – Belkacem, adjointe au Maire à la ville de Lyon (France) et conseillère générale du canton Montchat, qui exprime sa position sur le sujet. Entretien exclusif.

- Yabiladi.com : En France, une commission parlementaire sur la burqa a vu le jour, qu'en pensez-vous ? Existe-t-il un débat de fond et une position tranchée sur le sujet au PS ? Il semblerait que le port du voile peut poser également des problèmes. Un avis sur la question?
- Najat Vallaud - Belkacem : D’abord, l’installation de la commission parlementaire, personne ne peut être contre, et moi je m’en félicite s’il s’agit d’enquêter sur la réalité des conditions de vie des femmes de confession musulmane dans notre pays, leur vision de la société ou encore leur façon de vivre leur religion dans la République. Il faudrait aussi, comme on a pu le faire avec les sectes, que cela nous permette de mieux connaître les dérives les plus radicales pour y mettre fin. A chaque fois que les Parlementaires seront amenés à travailler avec la plus indépendance d’esprit possible sur des questions de société comme peut l’être a place de l’islam en France, je serai la première à le saluer. Je serais très heureuse, pour ma part, que l’on écoute la parole de ces femmes et qu’on porte sur la place publique leur point de vue. Je rappelle quand même qu’elles ne sont pas seulement des victimes d’une oppression et d’une domination, ce qu’elles sont parfois bien sûr : elles sont aussi des sujets de droits qu’il faut respecter comme des individus et des citoyens de plein droit.

- Et votre position sur une éventuelle loi interdisant le voile intégral dans l’espace public ?
- Là, je crois qu’à ce stade, il s’agit de quelque chose de prématuré, qui n’aurait aucune chance d’avoir la moindre efficacité pour aider les femmes en détresse en les libérant d’une emprise ignoble et intolérable. Ce n’est pas avec une loi qu’on y parviendra, et je pense même que les effets contre-productifs risquent d’être très graves. On ajouterait de l’exclusion à l’exclusion, en doublant l’oppression privée d’une forme inadaptée d’oppression publique.
Mais je veux réagir aussi sur le fait même que des femmes portent des burqas en France, que leur nombre soit en augmentation ou non, ce qui témoigne à l’évidence d’un problème grave. Le port de la burqa par une femme, qu’elle qu’en soit la raison, et que ce soit un choix personnel ou une décision subie et imposé par d’autres, va à l’encontre de toutes mes convictions, de toutes mes valeurs, de ma vision de la société et de l’émancipation de la personne humaine. Tout mon engagement politique en témoigne, et je serai toujours la première à soutenir les mesures qui détourneront les femmes de ce type de pratique, de rapport au monde et de rapport aux hommes. Mais je ne pense pas qu’une loi soit une mesure efficace, en tout ce n’est pas la priorité, il y a beaucoup d’autres choses à faire avant : l’éducation, le renforcement des liens sociaux, la culture, l’égalité des chances, le sort réservée à la jeunesse, l’accueil que nous faisons aux étrangers, l’attention qui est portée aux femmes isolées résidant dans des quartiers abandonnés par les pouvoirs publics.

- Il semblerait que le gouvernement Fillon soit déterminé pour légiférer sur le sujet ?
Ce sont des questions autrement plus importantes qu’une loi sur le port du voile, et je ne voudrais pas que le débat sur la politique du gouvernement dans tous ces domaines soit détourné par un débat idéologique, plus ou moins manipulé par l’UMP, sous couvert d’ouverture et de réflexion sur l’identité nationale.
La République ne peut passer son temps à faire des lois qui excluent, qui interdisent, qui stigmatisent, qui dramatisent les différences : nous ferions mieux de réfléchir à des lois qui encouragent la tolérance, l’ouverture, la cohésion, l’hospitalité, le lien entre les citoyens, voire comme le veux la devise républicaine, la liberté, l’égalité, la fraternité. De ce point de vue, je renvoie le gouvernement au bilan qui est déjà le sien et qui ne fait pas honneur, selon moi, à la France.

Najat, Ségolène et le Parti Socialiste


- Yabiladi : Tout d'abord, comment avez-vous vécu vous les turbulences au sein du PS et la sortie du livre Arnaques, Hold ups et trahisons ?
- Najat Vallaud Belkacem :
J’ai toujours pensé que l’existence de ce livre était une bonne chose, quelles qu’en soient les conséquences. Il est bon que des journalistes fassent leur travail, et je ne vois comment on pourrait leur reprocher d’enquêter. La lecture du livre m’a donc rappelé de mauvais souvenirs, c’est certain, mais en même temps les faits sont derrière nous : nous n’allions pas refaire le Congrès de Reims. On est passé à autre chose, et le Parti Socialiste tout entier est passé à autre chose en se concentrant sur la rénovation. Peut-être que cet épisode difficile a permis d’accélérer les choses, après tout. L’essentiel, ce sont les idées : sur ce plan-là, on peut dire que Ségolène Royal a largement gagné la bataille.

- Pouvez-vous nous éclairer sur les coulisses du parti avec en toile de fond la course au leadership pour 2012 ?
- Ah, si je pouvais ! Sérieusement, il ne faut pas trop fantasmer sur les manœuvres secrètes : bien sûr, certains se plaisent à penser qu’ils tirent les ficelles depuis leurs bureaux, mais il ne faut pas les créditer d’un tel pouvoir. Il va y avoir des primaires ouvertes pour désigner le candidat à la candidature présidentielle : mon objectif est ce que cette consultation soit vraiment ouverte et que ses résultats ne soient pas pipés. Pour le reste, franchement, que le meilleur gagne.


Propos recueillis par Rachid Hallaouy
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